Connaissez-vous le point commun entre le train le plus rapide du monde, les panneaux photovoltaïques et les scratchs ?
Parmi tant d’autres exemples, ce sont des innovations qui doivent leur naissance par l’imitation de la nature. S’inspirer du vivant pour innover : c’est l’approche que propose d’explorer le biomimétisme. Au-delà d’ouvrir la porte à une multitude d’applications issues de l’observation de la nature, c’est une approche éthique pour la planète face aux enjeux de la crise écologique actuelle qui est proposée par le biomimétisme.
Le biomimétisme, qu’est-ce que c’est ?
Observer le génie de la nature pour développer des solutions innovantes
Le mot « biomimétisme » vous dit quelque chose ? Certains d’entre vous en auront peut-être déjà entendu parler, car ce mouvement tend à être médiatisé ces dernières années.
Un centre d’études et d’expertises dédié au biomimétisme à même vu le jour en France : https://ceebios.com/la-scic-ceebios/
En effet, de nombreuses solutions innovantes sont développées chaque année grâce à cette approche. Mais cette mise en lumière reste encore assez limitée, et le concept peine à se faire connaître du grand public alors qu’il regorge d’exemples surprenants et passionnants !
Le nom de cette discipline vient du grec « bios » qui signifie « la vie », et « mimesis » qui signifie « mimer » ou « imiter ». Le biomimétisme est un mouvement d’innovation et d’ingénierie qui s’inspire du vivant pour créer des solutions innovantes.
Cette discipline a été théorisée et largement diffusée grâce au livre de Janine Benyus publié en 1997 : Biomimétisme. Quand la nature inspire des innovations durables. Cette biologiste met en avant l’importance de la coopération au sein des écosystèmes naturels, au-delà de la vision de compétition majoritairement présente dans notre vision collective.
La nature constitue une véritable source d’inspiration facilement accessible. La vie est apparue sur Terre depuis 3,8 milliards d’années. Depuis cette période, les êtres vivants n’ont cessé d’évoluer et de s’adapter à leur milieu. Il en va de leur propre survie. À la suite de ces longues années d’évolution, les organismes naturels sont devenus parfaitement résilients, optimisés et adaptés.
La majorité des inventions humaines, si ce n’est toutes, sont déjà présentes dans la nature sous une forme plus optimisée et efficace.
Par exemple, nos panneaux photovoltaïques actuels sont encore très loin d’égaliser les performances de la photosynthèse des plantes.
Dès lors, la nature devient une véritable source d’inspiration sans limites autres que nos propres connaissances.

L’importance de s’inspirer de la nature dans un contexte de crise écologique
Dans un contexte de crise écologique globale et de prise de conscience de l’humanité, l’approche biomimétique propose un inversement de notre regard sur la nature. L’idée est de la comprendre et de la respecter, mais aussi de la remettre au centre de nos innovations et technologies. Elle devient alors un modèle, plutôt qu’une simple base de ressources à exploiter.
L’Homme occidental a pris conscience que son mode de vie et ses actions impactent directement la Terre et sa biodiversité. Ce constat est fondé sur l’observation scientifique de facteurs alarmants, faisant réaliser à l’espèce humaine l’ampleur des changements climatiques et environnementaux ayant tendance à s’accentuer. Si l’espèce humaine continue de vivre sans respecter l’équilibre de la biodiversité et en consommant de manière non-soutenable les ressources limitées de la planète, elle court tout droit à son extinction.
Heureusement, on peut observer une prise de conscience générale et une volonté de s’adapter de manière durable dans ce mécanisme complexe qu’est la nature. Une transition d’un système pyramidal où l’être humain trônerait au sommet de la biodiversité vers un système écocentré (et non plus égocentré) semble indispensable. En adoptant ce changement de point de vue, l’espèce humaine peut tenter de retrouver sa place au sein de l’écosystème planétaire.
Alors, sommes-nous face à un mur infranchissable ou des solutions innovantes existent-elles ?
C’est exactement ce que propose d’explorer le biomimétisme, laissant place à un optimisme parfois oublié au vu de la gravité de la crise écologique.
L’intérêt du biomimétisme pour concevoir des constructions écologiques
Le bâtiment : un secteur fortement pollueur
Le bâtiment est un des principaux secteurs pollueurs, notamment en termes de déchets produits et d’émissions de gaz à effet de serre. Dès lors, il devient essentiel de revoir notre manière de construire. De nombreuses évolutions ont vu le jour ces dernières décennies afin de développer des constructions plus écologiques. De plus, les avancées des techniques et des savoirs, notamment en biologie, permettent un nouveau regard sur la nature ainsi qu’une ouverture du champ des possibles.
En regroupant des observations de la nature provenant de nombreux scientifiques, J. Benyus décrit dans son livre des règles communes qui régissent les écosystèmes et permettent la continuité de la vie sur Terre :
– La nature récompense la coopération ;
– La nature fonctionne à l’énergie solaire ;
– La nature n’utilise que l’énergie dont elle a besoin ;
– La nature recycle tout ;
– La nature transforme les limites en opportunités ;
– La nature valorise l’expertise locale ;
– La nature parie sur la diversité ;
– La nature limite les excès de l’intérieur ;
– La nature adapte la forme à la fonction.
Dès la première lecture de ces principes, certains points peuvent se lier à la construction écologique. C’est par exemple le cas des points concernant l’énergie, celle-ci étant aujourd’hui intégrée à la réflexion architecturale dans une volonté de développer des bâtiments plus respectueux de la planète.
Mais ces principes proposent une réflexion au-delà de la question énergétique, et questionnent l’intégration des constructions dans leur milieu naturel dans une dimension plus large.
De l’imitation des formes à l’imitation des stratégies de la nature

L’Homme s’est toujours inspiré de son environnement naturel, notamment pour construire son habitat. Depuis l’Antiquité, il en imite ses formes : les Égyptiens ont conçu des colonnes dont les chapiteaux imitent des plantes (papyrus, lotus, palmier…). Encore aujourd’hui, les formes organiques continuent d’inspirer de nombreuses réalisations architecturales, comme l’habitat écologique Kerterre : un dôme en chaux et chanvre aux courbes naturelles et poétiques.
Au-delà de la beauté des formes naturelles, l’intérêt d’observer la nature porte aussi sur les principes d’optimisation, de localité et de gestion des ressources. L’approche biomimétique propose de dépasser la simple imitation des formes pour intégrer les concepts et stratégies naturelles et ainsi créer des constructions écologiques.
Les constructions de Frei Otto, dont le stade olympique de Munich fait partie, sont inspirées des toiles d’araignée qui sont à la fois souples et solides, et nécessitent un minimum de matière première. L’étude de cette structure présente dans la nature, lui a permis de dessiner des structures considérablement allégées et optimisées.
Dans un autre registre, on observe un regain d’intérêt pour l’utilisation de matériaux naturels dont le bois, la paille et le chanvre. Appelés matériaux biosourcés, ils sont une alternative aux matériaux modernes utilisés actuellement comme le béton. Au-delà de leurs avantages écologiques, ils ont de nombreux avantages comme leurs performances thermiques, le fait d’être biodégradables ou encore disponibles localement.
S’inspirer de la nature pour une meilleure gestion énergétique

On constate une volonté récente de diminuer l’utilisation d’énergies fossiles pour se tourner vers les énergies renouvelables. Divers objets, matériaux, techniques et outils ont vu le jour récemment pour permettre d’exploiter ces nouvelles énergies « vertes », notamment dans le secteur du bâtiment.
L’utilisation d’énergies renouvelables comme le vent, l’eau et le soleil, permet de limiter le rejet de CO2. Elles possèdent de nombreux avantages comme le fait d’être disponibles en quantité illimitée, d’être gratuites ou encore de rendre possible un captage directement sur le lieu, permettant ainsi un certain degré d’autonomie énergétique et évitant ainsi la dépendance aux réseaux.
Il faut cependant noter que l’exploitation d’énergies renouvelables présente aussi des limites (rendement limité, émission de pollution lors de la fabrication, problèmes de recyclage…).
C’est pourquoi le biomimétisme invite à réfléchir sur une approche « low-tech » (contraire de la « high-tech »), permettant de profiter des énergies gratuites et disponibles abondamment à l’aide de moyens les plus simples et économes possibles.
C’est par exemple le cas du East Gate Center, un centre commercial situé au Zimbabwe. Ce bâtiment a la particularité d’avoir un système de ventilation directement inspiré des termitières, en reprenant la forme de grandes cheminées. En jouant sur les volumes des espaces, l’inertie des matériaux et les flux d’air naturels, l’air frais entre dans le bâtiment naturellement sans avoir besoin d’énergie superflue.
De nombreux exemples de parois à régulation thermique, ou « respirantes », inspirées de la nature voient le jour récemment. Le pavillon HygroSkin, inspiré de la pomme de pin, en est un excellent exemple. La gestion de l’humidité est possible grâce à un système de panneaux en fibres de bois sur plusieurs épaisseurs qui s’ouvrent et se ferment pour réguler l’humidité de l’air intérieur.
Sans le savoir, la majorité des objets qui nous entourent au quotidien sont inspirés de la nature, et cette tendance n’est pas près de s’arrêter. En favorisant l’observation de la nature, le biomimétisme permet de développer des innovations écologiques pertinentes, notamment pour la construction. Ce mouvement permet de lier les nouvelles connaissances en biologie aux enjeux sociétaux en prônant la nature comme modèle, loin de notre paradigme naturel. Ouvrez bien les yeux la prochainement fois que vous vous promènerez dans la nature, une nouvelle découverte se trouve certainement juste à vos pieds !

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