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Les tiers lieux : vers une éco construction du lieu

Louisa Frangeul Actualité Ghara

De plus en plus de villes et villages connaissent l’émergence de lieux inédits dits « alternatifs » et « transitoires ». Les tiers lieux, nouveaux espaces urbains, périurbains – mais aussi, et de plus en plus – ruraux se voient attribuer de nombreux mérites, que ce soit par l’Etat, les meneurs du développement durable ou encore les habitants.

Ce, car leurs intentions sont nombreuses et souvent pluridisciplinaires, alliant d’ordinaire des intérêts et enjeux sociétaux, économiques, environnementaux et financiers. Plus d’informations ci-dessous et à travers 5 exemples.

Les tiers lieux en quelques mots…

Nouveaux espaces émergents en agglomération ou à la campagne, les tiers lieux sont porteurs de valeurs fortes attachées au transitionnement énergétique, en faveur d’un monde plus durable. De façon non-exhaustive, ces lieux ont tendance à concentrer des activités autour de l’écologie, la construction écologique, la permaculture, des ateliers de réemploi, de bricolage ou encore de « do it youself ».

Les tiers lieux sont aussi des secteurs d’apprentissage, visant un public intergénérationnel à travers les diverses animations proposées. Petits et grands y découvrent de nouvelles approches de faire, construire, restaurer, bricoler, réemployer.

Les tiers lieux visent donc à soutenir la transition énergétique par la sensibilisation et la transmission des savoirs liés à l’écologie et le durable. Mais comment ces lieux alternatifs peuvent-ils au mieux porter les valeurs de cette transition, sinon par la conception de ces espaces ?

Communiquer sur la transition écologique passe alors par la fabrique même du tiers lieu. Dans l’idéal de tendre vers une architecture écologique et durable, nous désirons faire de ces nouveaux lieux des exemples de revalorisation, de réemploi, de circuits courts.

Alors, parfois, nous réhabilitons des friches, des hangars, des usines ou tout autres zones désaffectées. Nous cherchons à regagner les qualités d’un lieu abandonné pour lui redonner de sa splendeur, une praticité. Nous fabriquons des espaces avec le tangible, nous remodelons, nous réparons, nous réaménageons : nous nous adaptons.

Parfois, nous imaginons un espace d’expérimentation pour l’éco-construction : matériaux biosourcés, réemploi des objets, bâtiment à faible (voire inexistante) empreinte énergétique, économie circulaire, retour au low tech.

Parfois encore, nous faisons appel aux citoyens et bénévoles pour adoucir le coût des travaux et transmettre les savoirs faire par le biais de chantiers participatifs

Les tiers lieux, pivots de la transition énergétique et incubateurs de projets éco construits

Exemple de Tiers Lieu chantier participatif biosourcé

« Faire des tiers lieux des pivots de la transition écologique », proclame le ministère de la transition écologique en mars 2022. En effet, le ministère, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) et l’association France Tiers-Lieux se sont affiliés avec l’ambition d’encadrer et d’accompagner financièrement le développement de ces espaces. À terme, les tiers lieux deviendraient des espaces ressources des territoires au sujet de la transition écologique. On entend donc des lieux capables de diffuser des connaissances et des apprentissages inhérents à l’écologisme. Ils seront aussi les témoins de l’avancement d’une transformation énergétique.

Sur le thème de la construction, on s’attend à observer l’apparition d’adresses où l’écoconstruction, l’importance des matières biosourcées et des circuits courts auront toute leur place dans l’élaboration de ces aires alternatives.

Du petit bricolage d’électroménager, tel qu’on le connaît déjà dans les « repair café », espaces récurrents des tiers lieux, au petit bricolage de chantier ; il n’y a qu’un pas vers la composition écologique et participative de ces nouveaux lieux.

Par conséquent, le changement et la transmission doivent passer la mise en action à travers l’architecture et la conception même des tiers lieux.

L’accomplissement écologique de ces espaces passe par de multiples chemins et prend différentes orientations en vue des objectifs du lieu. A titre d’illustration, implanter un tiers lieu au cœur d’un bâtiment réhabilité aura une portée patrimoniale, où l’on met en valeur la restauration et le réemploi du lieu. A l’inverse, créer et édifier de toute pièce un lieu destiné aux possibilités socio-environnementales met en avant les progrès en termes de construction écologique et responsable via son édification.

Allons à la découverte de ces tiers lieux éco construits !

La LOCO, Five Cail à Lille, un tiers lieu à énergie positive sort de terre !

À Lille, le futur Tiers Lieu La LOCO, Fives Cail, qui devrait ouvrir ses portes à l’automne 2023, abrite un superbe projet de bâtiment écologique. Il s’inscrit dans une démarche de bâtiment à énergie positive, appelé BEPOS. Ce type de bâtiment vise à minimiser l’impact énergétique des constructions sur le long terme : il engendre plus d’énergie thermique ou électrique qu’il n’en consomme. Le bilan énergétique est positif.

Il possède d’ailleurs le label d’état E+C- (Bâtiments à Énergie Positive et Réduction Carbone), qui souligne aussi la performance environnementale du bâtiment en plus de l’efficacité énergétique.

Pour ce tiers lieu, ETIC, une Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS) collabore avec Laurent Courouble de Co-Porteur et l’Atelier 204 Architectures sur une étude co-conçue.

Les points forts du projet, mis en avant lors de sa proposition, s’axent autour de trois défis majeurs : transformer et réhabiliter une halle industrielle, héberger des acteurs novateurs en termes d’usages des lieux, servir l’échange et la mixité au sein du quartier et de la ville.

La surface totale de 2700 m² abritera principalement des bureaux partagés à loyers modérés en vue d’accueillir divers intervenants de l’Économie Solidaire et Social (ESS) et de l’Économie Responsable. D’après le journal Fives Cail, on imagine y retrouver des places de coworking, des salles de réunion, des cafés citoyens, des surfaces de ventes de produits régionaux, mais aussi des espaces d’expositions liés à l’écoconstruction avec pour modèle le concept du lieu Fives Cail.

Le projet d’éco construction fait valoir ce challenge en utilisant des matériaux réfléchis et en mobilisant des artisans locaux pour la construction. Le bâtiment est pensé socio économiquement et socio environnementalement parlant. A l’heure effective, peu d’informations relatives à l’exécution sont dévoilées, mais nous savons déjà que des ateliers participatifs ouvriront leur porte en fin de chantier afin d’inviter la population à contribuer à l’opération.

Cette création nouvelle génération éco pensée s’appuie sur des aptitudes techniques pour abaisser les frais environnementaux et énergétiques futurs de son exploitation.

Une mesure clé est l’installation par enercoop d’une centrale photovoltaïque avec des panneaux solaires. Celle-ci permettra à la fois de produire l’énergie nécessaire au bâtiment tout en concédant de revendre le surplus et de le distribuer aux alentours.

Un deuxième point phare du projet est l’instauration d’un « smart grid », c’est-à-dire un réseau électrique intelligent où l’on contrôle la production et la distribution d’électricité en temps réel. Ce système favorise l’économie d’énergie du bâtiment.

Vis à vis des matériaux, la construction du gros œuvre s’oriente vers des bétons à granulats recyclés, tandis que les isolants seront biosourcés. Les meubles quant à eux, relèveront à priori d’un réseau de réemploi et recyclerie.

A l’échelle de ce grand projet, l’attendu tiers lieu de La LOCO tente d’allier écoconstruction et écoconception avec l’utilisation de technologies permettant l’abaissement des coûts et empreintes énergétiques du bâtiment, tout en souhaitant initier une participation citoyenne. À suivre…

Le Pôle XXI, Lussault-sur-Loire, un tiers lieu éco-construit en chantier participatif

Plus petit, plus associatif aussi, le pôle XXI, dans la commune de Lussault-sur-Loire en Indre-et-Loire est un tiers lieu comme on voudrait en voir fleurir des centaines. Implanté dans une territorialité rurale de 700 ressortissants, il a pour vocation de redynamiser le territoire. Pour cela : missions participatives, école d’été, événements culturels… Tout y est !

En 2017, la constitution d’un premier local fut l’étape majeure du projet. Pour représenter au mieux les valeurs autour de la transition énergétique, c’est Caroline Sculfort, architecte DPLG, spécialiste en éco construction, filière sèche et architecture bio climatique, qui est chargée du projet.

L’esquisse ? Une salle associative modulable, intégralement éco construite et uniquement en matériaux de sources biologiques.

Comme le rappelle la maître d’oeuvre, la position était avant tout de simplifier au maximum le chantier pour, conjointement, réduire les dépenses, répondre aux exigences pro paille et faire en sorte que la mise en œuvre devienne simple et facilement réalisable sous forme de chantier ouvert et d’ateliers de construction. Au départ, il s’agit donc d’alimenter électriquement et de permettre une arrivée d’eau sur le terrain octroyé par la mairie via un bail emphytéotique. Seule une petite partie, qui se trouve en périmètre naturel est constructible avec des infrastructures légères. Imaginer un édifice léger et hors-sol, ici sur pilotis (sur plots), donc sans fondations lourdes, est indispensable.

Le chantier se déroule en 4 phases, chacune de 7 à 15 jours. La première, pour le terrassement, réseaux, et base de pieux est confiée à des professionnels de la maçonnerie. Les étapes suivantes se déroulent sous forme d’ateliers, toujours entourés par des professionnels. « L’avantage d’être encadré par un vrai professionnel de la construction, c’est que ces ateliers ont aussi permis de recevoir des personnes en reconversion dans l’éco construction et donc de valider leurs stages », ce en plus d’apporter des compétences à l’équipe, ajoute la conceptrice.

Concernant les matériaux, le soubassement se compose de granules de liège et emplissage paille et la dalle de sol est en chenevotte (paille de chanvre). L’étanchéité est élaborée avec des bâches EPBM, qui sont des membranes à base de caoutchouc synthétique (se rapprochant le plus d’un produit écologique, mais… peu d’options à présent de ce côté-ci!)

La structure et la charpente bois ont pu être réalisées sous forme de jeu de construction et amenées sur le chantier comme un « kit IKEA », autorisant ensuite l’assemblage sur place en chantier ouvert.

Le cycle paille s’est organisé autour du remplissage des voiles composés de caissons en bois pour la structure. Les bottes de paille pour l’isolation étaient alors encastrées dans ces compartiments, de même pour le toit.

Un dernier stage enduit terre et bardage bois s’est concentré sur les finitions extérieures.

Aujourd’hui, l’abri est certifié bâtiment éco construit ERP (Etablissements Recevant du Public).

C’est donc à travers des chantiers participatifs ouverts à tous, ou bien sûr l’éco construction est mise en avant que bénévoles et professionnels de la construction édifient ce repaire de 50 m² en 2 mois. Le moment du chantier est un épisode de découvertes et d’initiation à la construction écologique. Les participants entrent en contact avec les matériaux et découvrent leurs propriétés thermiques, les compatibilités entre chaque composant, les complémentarités qui existent. Ils apprennent aussi, encadrés par les professionnels, la mise en pratique de ces matières premières : rien de bien sorcier à priori, et accessible à un bon nombre !

Depuis, des initiatives ont vu le jour sur ce tiers lieu, en particulier grâce à l’association Bul’de môme et le projet PrioriTerre, par l’organisation de colonies d’été axé sur l’écologie. À cette occasion, des camps nature et du mobilier, entièrement en bois de récupération, ont été construits par les enfants et les bénévoles. Plus encore, des toilettes sèches ou encore des douches extérieures ont vu le jour au travers de chantiers participatifs. De quoi amorcer les principes de l’éco construction sur une méthode ludique et pédagogique !

Un futur tiers lieu au Porge, à la rencontre du réemploi

C’est au Porge, en Gironde, que nous finissons notre escapade. Ici, encore une nouvelle manière de faire tiers lieu. En zone champêtre, une grange désuète a conquis le cœur des habitants. Bientôt renommée la « Grange à tiroirs », la municipalité et un groupe d’habitants imaginent un lieu associatif pour le bourg.

L’aménagement ici s’accentue sur la réhabilitation de cet ancien corps de ferme et son réaménagement. Le collectif Isolat Architecture, animé par les questions de réemploi, de rénovation et de construction éco-responsable, travaille sur ce projet en lien avec Julie Grabot (maîtrise d’œuvre), experte en éco-construction et sensible aux enjeux environnementaux.

Plus précisément, le collectif est mandaté par la mairie pour la maison du projet du futur tiers lieu. Leur positionnement écologique et responsable ainsi que le volet social, notamment la dimension participative ont su séduire la mairie. Assurément, la construction du tiers lieu doit être épaulé par les habitants car ce ceux eux qui feront vivre ce lieu par la suite. Quoi de préférable qu’un travail de prise en main dès sa construction ?

À ce jour, le projet vient d’obtenir le permis de construire et entrera prochainement dans la phase de construction. Le dialogue avec le collectif Isolat nous renseigne sur les travaux à venir, les méthodes de construction qui vont être employées et les différents matériaux choisis pour la réfection.

Le projet s’installe sur un terrain acheté par la mairie, où l’on contemple déjà trois bâtiments : le plus considérable, nommé « Chalet des pins », une grange dans laquelle prendra place la maison du projet et enfin un plus petit bâtiment, entre les deux, où Isolat réfléchit actuellement à ancrer le camp de base vie. Celui-ci servira de lieu de rencontres entre les professionnels de l’éco construction et les citoyens. Ils accéderont ici aux plans, coupes, plannings et pourront s’inscrire aux chantiers participatifs lors du second œuvre. Le collectif précise que toute la période dédiée au gros œuvre restera confiée aux professionnels pour des raisons de sécurité. Les chantiers ouverts porteront sur l’ameublement du tiers lieu ainsi que sur les enduits terre.

Au-delà de l’idée de construire écologiquement, le collectif porte son attention sur les bâtiments déjà présents sur le site. La grange d’avant 1900 qui « reflète quelque chose de l’ordre d’une histoire régionale » est primordiale à leurs yeux. « C’est aussi pour nous un geste politique ; à l’époque actuelle ça va vite dans la construction, on démolit, on rase et on refait à neuf. Si on veut aller au bout du processus écolo, détruire et reconstruire dépense beaucoup d’énergie et de matière première, alors qu’utiliser ce qui existe déjà est une réponse qui nous semble aujourd’hui pertinente. Nos réponses ont donc été, d’abord, de conserver l’existant, de faire avec, puis le rénover finement en proposant un confort d’usage » – Isolat Architecture

Le collectif conçoit le bâtiment avec un squelette et une structure bois, les isolants seront faits à partir de matériaux bio sourcés. Un complexe chaux chanvre sera projeté sur la structure bois avec un enduit terre de finition.

On retrouve aussi la mise en œuvre de plaques fermacell (plâtre et fibres de cellulose issues d’un procédé de recyclage de papier) servant d’éléments structuraux et parois coupe-feu ainsi que du cottonwool, un isolant en fibres végétales ou animales sera utilisé comme isolants en toiture.

Associé à cette poursuite des matériaux biosourcés, le collectif œuvre au réemploi, par exemple en réutilisant les tuiles présentes sur les bâtisses ou encore les lames de planchers existantes pour réaliser les fonds de coffrage des murs ossature bois.

Dans le dessein d’une complicité citoyenne et inclusive, le collectif à d’ores et déjà engagé, en juillet 2022, un chantier ouvert avec des jeunes, portant sur la fabrication de gradins à base de palettes de bois. Cette tactique, en vue d’inspirer les habitants, est une prémisse pour sensibiliser au réemploi et à l’architecture économe.

D’autres chantiers promettent de voir le jour… À suivre !

S’orienter et être orienté : développer un tiers lieu éco construit

Aujourd’hui si moult tiers lieux sont le support à l’expérimentation de l’éco construction, il devient d’autant plus important de favoriser leur visibilité et d’encourager la multiplication de ces espaces ressources.

Plus que de simples lieux de vie mouvants, sociaux et culturels, ils sont le vecteur d’une idéologie forte où l’écologie et le soin porté au contexte sont les maîtres-mots.

Il convient d’aborder ces espaces clés de la transition écologique tels des protagonistes à part entière. La construction écologique ne doit pas « prendre part » au programme mais bien incarner le projet du tiers lieu.

De plus en plus, des entreprises et associations prennent le pas pour aider à concevoir des espaces les plus éco construits possibles. Elles permettent de définir les ambitions du projet, de monter un dossier en accord avec celles-ci et orientent vers des experts dans le champ de l’économie sociale et solidaire et de l’éco construction. De quoi nous orienter efficacement dans la construction de nos tiers lieux !

Sources

https://www.ecologie.gouv.fr/ministere-transition-ecologique-et-lademe-sengagent-aux-cotes-france-tiers-lieux-faire-des-tiers

Journal Fives Cail.pdf (fivescail-lille-hellemmes.fr)

https://www.polexxi.com/aventure

https://www.isolat-architecture.com/

VALENTINE GEOFFROY

Etudiante en architecture

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