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Le proto habitat : une expérimentation pour la durabilité

Louisa Frangeul Articles écoconstructions

« Œuvre d’art à vocation de discussion et de partage autour de l’écologie », le proto-habitat suit les expérimentations actuelles sur les habitats légers en intégrant différents acteurs locaux dans sa conception. De la matière première aux finitions, les matériaux recyclés et recyclables s’intègrent dans un principe à faible empreinte carbone.

Ce nom provient de la contraction des mots « prototype » et « protohistoire ». Cette période correspond à la partie de l’histoire située avant l’écriture qui possède de nombreux point communs au niveau de l’habitat avec la structure conçue par les deux architectes : « une époque où habiter signifiait vivre en harmonie avec la nature ». Effectivement, les habitats de cette époque étaient dénués de fondations lourdes, utilisaient du bois local et surtout respectaient la nature sans y laisser une trace permanente.

Les structures légères

De la « maison démontable » dans les années 40 en passant par le « refuge tonneau » dessiné par Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, le domaine de la construction n’a cessé depuis le début du 20ème siècle de développer des structures autour de l’habitat léger. Les premiers prototypes s’inspirent de la « préfabrication » développée dans d’autres domaines comme celui de l’automobile, et permettent de mieux s’adapter aux évolutions des usages. Ainsi, ces systèmes constructifs permettent de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, construire plus rapidement et efficacement.

Quels sont les principes de la construction dite « légère »[1] ?

  • Une production contrôlée et restreinte de la matière ;
  • Une utilisation amoindrie des ressources ;
  • Un rejet des déchets peu conséquents ;
  • Un temps de construction réduit ;
  • Des espaces plus petits, plus respectueux des sols ;
  • Et une consommation d’énergies minime.

De ce fait, avec les normes de réglementation environnementales (RE) 2020 prenant en compte le bilan carbone et le cycle de vie des matériaux, ces formes de construction s’intègrent dans une période où il est important de quantifier et de réguler la consommation d’énergie.


[1] « L’empreinte d’un habitat » , Pavillon de l’Arsenal, sous la direction de Philippe Rizotti, novembre 2021, Paris.

Le proto-habitat : concevoir l’écologie dans sa globalité

Le proto-habitat est une expérimentation d’architecture légère et durable actuellement en exposition sur la place de Jaude à Clermont-Ferrand. Imaginé par les architectes Frédérique Barchelard et Flavien Menu de Wald durant leur séjour à la villa Médicis à Rome, il permet de réinventer une fois de plus notre façon de concevoir l’habitat et de l’habiter. Le projet est basé sur deux principes majeurs : relocaliser la conception de la structure en un circuit court et contrôlée, et de redynamiser les acteurs locaux (sylviculteur, scieur, charpentier…), en l’occurrence ceux du Massif Centrale, dans le processus.

Une matière première à moins de 500 km du site de préfabrication

Le prototype est entièrement conçu en bois et, afin d’inclure la structure dans un principe d’éco-conception, les matières premières sont extraites des forêts situées dans le territoire du Massif Centrale : c’est l’une des plus grandes superficies de bois en France et également le lieu d’installation des architectes. De plus, l’intérêt d’extraire la matière première dans ces espaces permet de redynamiser l’économie locale et réduire les dépenses d’énergies.

En ce qui concerne la matérialité, le pin douglas serait en partie le plus adapté comme dans de nombreuses constructions : c’est en effet une essence de bois planté localement, imputrescible, durable et très résistante aux corps étrangers. D’autres essences ont aussi été retenues tel que le chêne, le peuplier ou encore le pin maritime. Afin d’intégrer au maximum le principe d’écologie dans la conception, le bois est ainsi biosourcé et issu de forêts régulées.

Rez-de-chaussée du proto-habitat – Espace d’accueil

Ce bâti intègre tous les principes de la maison passive : c’est-à-dire limiter la production d’énergie en améliorant les performances propres du bâtiment en développant par exemple une enveloppe performante. Au niveau de l’isolation c’est la laine (fibre) de bois qui a été retenue, idéalement issue du recyclage. Elle possède de bonnes performances acoustiques et résiste à la moisissure et aux insectes. Cette matière, possédant une conductivité thermique faible[1], permet de conserver une température intérieure adéquate en été et en hiver. Par ailleurs, bénéficiant d’un déphasage thermique[2] de 15 h, elle est donc idéale contre la surchauffe. La toiture, quant à elle, est en caoutchouc recyclé permettant de réutiliser de nombreux déchets tel que les pneus.


[1] La capacité à transférer la chaleur par conduction.

[2] C’est-à-dire le temps que met un matériau afin de transmettre la chaleur.

S’adapter à l’environnement

Un des intérêts majeurs dans la pratique de l’éco-conception, est la capacité d’une structure à s’adapter à son environnement direct. Pour répondre à ces principes rien de plus simple : une grande verrière côté sud permet d’apporter de la chaleur les jours d’hiver et en été plusieurs solutions ont été imaginées. La première serait d’intégrer des stores thermiques, ce qui obstrue une partie de la lumière ou bien, les architectes ont pensé le bâti posé sur des plateaux tournants manuels ou non. De ce fait, lorsqu’on arrive dans une période de l’année où le soleil apporte trop de chaleur, l’idée est de pouvoir tourner la façade contenant la verrière côté nord. Justement, le proto-habitat est pensé sans fondation ce qui permettrait de le disposer sur ce plateau. Cette manipulation permet d’orienter sa maison en fonction des besoins en diversifiant, par le même principe, les vues et le paysage.

Une structure « nomade »

Pensé pour être démontable et déplaçable, le proto-habitat suit la volonté des habitants d’aujourd’hui de déménager au grès des envies. Il est facilement démontable grâce à l’optimisation du système constructif : 5 jours à 2 personnes, idem pour le remontage. C’est idéalement une maison autonome : récupérateur d’eau de pluie, panneau solaire ou eaux usées avec bassin de décantation, les idées émanant du projet sont nombreuses. Et pour ceux qui souhaitent plus se rapprocher d’une maison traditionnelle, le raccord aux réseaux des villes (eau, gaz, électricité) est possible. L’usager a le choix.

D’après les architectes, cette structure prend en compte les enjeux de la surpopulation et de la migration future dans le monde : accueillir rapidement, efficacement et habilement. Ils répondent ainsi aux problématiques liées à l’habitat que l’on rencontre aujourd’hui en favorisant l’accès au logement, sans pour autant omettre les principes écologiques. De ce fait, ces habitats permettront d’investir les espaces péri-urbains et les milieux ruraux, sans intégrer des structures plus « lourdes ».

Des espaces évolutifs : un habitat modulable et flexible

Actuellement, le prototype mis en place à Clermont-Ferrand est doté de quatre modules : une ossature en bois sur laquelle viennent s’imbriquer les planchers modulables. Ce pavillon individuel est doté d’une surface de 85 m², dont 50 m² habitables et permet d’accueillir une famille de 2 à 4 personnes. La structure modulable permet ainsi d’acheter et d’intégrer des surfaces en plus afin d’agrandir la surface des logements et de se réguler au grès des besoins. Ce dernier possède une double hauteur avec une mezzanine à l’étage supérieur mais il est possible d’y ajouter des modules afin d’augmenter la surface, permettant ainsi de l’agrandir de 20 m².  Il est même concevable de déplacer les modules des étages supérieurs au rez-de-chaussée afin de le transformer en une maison plain-pied : le proto-habitat est de ce fait adaptable et appropriable.

Ce projet ne s’arrête pas seulement à l’habitat individuel : il est tout à fait envisageable de superposer trois ou quatre proto-habitats afin de développer un logement collectif. L’accumulation des modules peut se faire tant dans la verticalité que dans l’horizontalité. Par ailleurs, il peut s’apparenter à d’autres fonctions que l’habitat tel que de l’équipement de proximité, des commerces ou bien pour la diffusion de la culture dans les villages sous une forme itinérante. C’est ici tout l’intérêt pour la ville de Clermont-Ferrand qui candidate à Capitale Européenne de la Culture pour 2028 en souhaitant diffuser la culture à travers les milieux plus éloignés du Massif Centrale.

Le dernier étage n’est pas habitable mais pensé comme un jardin d’hiver. La toiture est en toile tressée, imperméable et laisse passer les rayons UV : elle permet ainsi de développer un jardin potager avec l’idée que cette végétation puisse isoler la partie supérieure de la structure. Cette partie peut cependant servir d’une pièce en plus, salon ou bien bureau, en fonction des saisons et de la position du proto-habitat.

1er étage et jardin d’hiver

Une nouvelle étape pour le logement de demain

Le proto-habitat reprend de ce fait une vision simpliste et abordable de l’habitat avec un respect de la nature. Fruit de longues recherches à travers de nombreux pays tel que la Suisse ou l’Espagne, il incite à de nouveaux modes d’habiter. Cet habitat modulable permet de prendre un nouveau point de départ dans la recherche de nouveaux logements plus durables avec des modes d’ingénierie performants (auto-construction, recyclage…). Par la qualité des produits manufacturés et son processus de conception totalement locale, le proto-habitat enrichie le domaine de l’éco-conception et enfin, grâce à sa rapidité de mise en œuvre, il permet de répondre à de nombreuses demandes actuelles sur le logement, y compris celles de l’urgence.

WASSIL AMIR

Architecte diplômé

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