Rosny-sous-Bois : une ville engagée dans la construction écologique et biosourcée

Louisa Frangeul Articles écoconstructions

Si certains pensent que bâtiments publics et écologie sont difficilement compatibles, la ville de Rosny-sous-Bois prouve le contraire grâce à ces nombreux projets exemplaires dans ce domaine. Localisée à l’Est de Paris, la commune doit faire face aux mêmes enjeux que ses voisines : accueillir le mieux possible une population toujours plus importante, dont de nombreux enfants qui doivent aller à l’école. Loin de prendre cela comme une contrainte, la commune se distingue par la qualité des bâtiments publics construits récemment. Les nouvelles écoles et le centre de loisirs sont devenus des références en matière d’architecture écologique, malgré une réglementation plus contraignante que celles des habitations.

C’est pour garantir une efficacité dans la conception que les architectes et ingénieurs de la ville travaillent exclusivement en interne. La Ville a pris le parti d’être à la fois maître d’œuvre et maître d’ouvrage, un pari ambitieux qui permet une collaboration facilitée entre les différents acteurs ainsi qu’une direction totale du projet. Cas unique en France, la présence d’une cellule de « Recherche et Innovation territoriale » encourage les avancées techniques et durables. Emanuel Pezrès, l’architecte directeur de ce service, met en avant la volonté de créer du bien commun pour les habitants grâce au principe de « l’architecture régénérative » : limiter au maximum l’impact sur les différents écosystèmes, qu’ils soient naturels ou sociaux, afin de développer une démarche neutre, voire positive.

Les connaissances sont acquises directement au sein de l’équipe de la ville et permettent une amélioration d’un projet à l’autre : cette démarche d’innovation continue dans la construction écologique perdure depuis plus de 10/20, au-delà des différents mandats. Au total, pour répondre à la démographie croissante Rosny-sous-Bois réalise en moyenne une école tous les 2 ans.

Le groupe scolaire des Boutours

Des bases solides pour une première école

Façade en parement bois et colorée à certains endroits, deux baies vitrées se trouvent au centre

Un premier bâtiment d’école destiné à accueillir 8 classes maternelles sur 2 400 m² a ouvert ses portes en 2014 sur le site des Boutours. Il est constitué d’une ossature bois et d’une isolation en paille, en ouate de cellulose ou en laine de bois selon les endroits. L’ensemble de ces matériaux sont biosourcés et locaux, transportés sur moins de 80 km. Pour les finitions, l’emploi d’une peinture végétale à base d’huile de colza a été privilégié. L’école est surmontée d’une toiture terrasse plantée et intègre une gestion de l’eau et une participation éco-citoyenne. Cerise sur le gâteau, les principes du bioclimatisme ont été respectés, notamment en limitant la surchauffe de l’intérieur du bâtiment par un jeu de végétation à feuilles caduques. Le succès de cette approche globale et écologique va guider les futurs projets de Rosny-sous-Bois, qui verront leurs standards encore monter d’un cran.

Un second bâtiment plus ambitieux

Le second bâtiment de l’école des Boutours prend place dans une ancienne halle de marché réhabilitée, à la suite du déplacement du marché il y a quelques années. La structure des halles a été réutilisée à l’identique afin d’éviter sa déconstruction. Ce bâtiment reprend une surface similaire à la 1ère école, afin d’accueillir environ 300 enfants. Exemplaire et bas carbone, il lie technologie et écologie afin d’atteindre le niveau passif.

Cette fois-ci, la maîtrise d’œuvre a poussé encore plus loin l’innovation technique, notamment par le choix d’utiliser une structure en paille porteuse pour ce bâtiment en rez-de-chaussée. Cette technique issue du Nebraska au 19ème siècle, superpose de grands ballots de paille afin de composer un mur, le tout surmonté d’une charpente.  Il s’agit d’un choix osé, car la paille porteuse n’est pas reconnue comme une technique courante (contrairement à la paille en isolation dans des caissons), d’autant plus qu’il s’agit d’une première en France pour un établissement recevant du public.

La technique de la paille porteuse propose une alternative à l’utilisation du bois. En effet, bien que ce matériau soit souvent écologique et biosourcé, des pénuries et une hausse des prix surviennent régulièrement face à son succès. Au contraire, la paille est présence en abondance sur le territoire français et pousse beaucoup plus rapidement que les arbres. C’est un matériau biosourcé particulièrement intéressant par ses qualités constructives et écologiques, qui a déjà fait l’objet d’articles sur le Ghara Blog :https://www.ghara.fr/construction-paillle-re-2020/

Crédit Photo : Ville de Rosny-sous-Bois

L’enjeu social mis en avant

En plus de l’aspect écologique, les 2 écoles des Boutours s’ancrent dans une stratégie sociale : le choix est de développer une relation vertueuse avec les habitants de la ville.

Plus de 4000 briques en terre cuite ont été réalisées par 150 bénévoles et 30 mosaïques par les élèves des différentes écoles de la ville. Des chantiers participatifs ont été mis en place afin de favoriser la réinsertion professionnelle et la formation d’un maximum de personnes. Cette approche pédagogique a aussi développé le sentiment d’implication des futurs usagers à leur nouvelle école. De plus, des formations pour les occupants garantissent un bon usage du bâtiment, notamment pour la ventilation naturelle qui demande une attention spécifique.

Le centre de loisirs Jacques Chirac

Les principes bioclimatiques mis en action

Le centre de loisirs Jacques Chirac a été inauguré en 2020, soit quelques années après le groupe scolaire des Boutours. Situé à proximité du RER, il s’inscrit dans un quartier populaire entouré de nombreux immeubles. Couvrant une surface de plancher d’environ 1000 m², le centre de loisirs peut accueillir jusqu’à 180 enfants âgés de 3 à 11 ans pour des activités périscolaires. Là encore, la ville de Rosny-sous-Bois a souhaité construire un bâtiment public ambitieux, lui permettant ainsi de voir ses recherches soutenues par l’ADEME et le programme BATRESP.

La façade Sud est largement vitrée et de plain-pied sur le jardin, surmontée de brise-soleil pour limiter la surchauffe. Les plus écologiques du projet : l’eau récupérée en toiture est potabilisée pour être réintégrée dans des jeux d’eau pour les enfants. La toiture est végétalisée et inaccessible afin de préserver la biodiversité présente. L’intégration de toilettes sèches dans un établissement accueillant des enfants peut aussi être applaudi. L’eau chaude est produite par du solaire et de la géothermie pour le chauffage avec un stockage inter-saisonnier rendu possible par l’intégration d’une cuve de stockage de 50 m3. Au total, le bâtiment consomme 46 kWhep/m²/an, grâce à ses équipements à bon rendement ainsi qu’une isolation conséquente.

Centre de loisirs Jacques Chirac. Crédit photo Ville de Rosny

Une innovation de taille pour un bâtiment public

Dans ce projet, l’innovation majeure porte là aussi sur le choix des matériaux : une structure mixte en paille porteuse sur 3 murs périphériques, complétée par du bois massif sur la 4ème façade et en intérieur. Le tout sur une hauteur de 2 niveaux, une fois de plus c’est du jamais vu en France pour un bâtiment recevant du public. Les bottes de paille utilisées sont plus grandes qu’habituellement, elles mesurent 54×80 cm et entre 1.20 m et 2 m de long. Pour le bois, celui-ci local et non traité : châtaigner, peuplier d’Île-de-France et sapin des Vosges. Le bois a été utilisé pour la structure interne du bâtiment afin d’accueillir le contreventement, la cage d’escalier et les solives du plancher.

Il a fallu réaliser des nombreux tests par des bureaux de contrôle pour valider la sûreté du système : qualité de résistance du matériau et des liens au feu, résistance à la compression du mur, évolution dans le temps, limitation des déformations (tassement différentiel par exemple). Pour mener à bien le projet, des essais grandeur nature ont été effectués avec l’aide de bureaux de contrôle qualifiés.

Les murs ont été recouverts par des enduits chaux-sable en extérieur et terre-plâtre en intérieur, qui laissent transparaître les aspérités du matériau et apporte du relief à la façade. L’application de ces enduits a été faite dans le respect des règles professionnelles de la construction en paille, afin de rentrer dans le cadre des techniques courantes et de s’assurer d’une mise en œuvre de qualité.

Focus sur la ventilation naturelle 

Centre de loisirs Jacques Chirac

« A quel moment avons-nous abandonné aux machines notre besoin le plus vital et le plus urgent : celui de respirer ? ». Cette question est au centre de l’exposition « La ventilation naturelle et les équipements scolaires » qui a eu lieu le mois dernier à l’école d’architecture de Paris la Villette (ENSAPLV). On y retrouve les projets de Rosny-sous-Bois aux côtés de projets de l’Atelier Philippe Madec ou de LANDFABRIK.

http://www.paris-lavillette.archi.fr/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=5641&cntnt01lang=fr_FR&cntnt01returnid=15

Le développement de techniques dites « low-tech », en opposé au high-tech, minimise les dépenses énergétiques liées au fonctionnement du bâtiment. La ventilation naturelle fait abstraction des machines par l’usage de différentes pressions et d’éléments divers comme les grandes cheminées qui peuvent être observés sur les projets de Rosny-sous-Bois. Celles-ci contribuent aussi à la silhouette architecturale unique des bâtiments.

Pour la maternelle des Boutours, la ventilation naturelle a été liée avec un système de récupération de chaleur. Ce dispositif permet de baisser de moitié les déperditions thermiques liées à cette technique passive. Ces recherches ont pu être poursuivies sur le projet du Centre de Loisirs : une prise d’air neuf est intégrée en façade et une partie du dispositif est caché dans le faux-plafond afin de permettre un usage par niveau.

Eco construction Roisny-sous-Bois : le mot de la fin

Que ce soit pour le groupe scolaire des Boutours ou pour le centre de loisirs Jacques Chirac, le succès des opérations a encouragé de nombreuses communes à poursuivre les mêmes objectifs. Cependant, les coûts élevés de ce type de projet peuvent constituer un frein non-négligeable. Mais il faut relativiser, ces projets innovants bénéficient souvent de subventions intéressantes et tendent à coûter de moins en moins cher grâce à leur banalisation. Il est fort possible que l’exemplarité et l’avant-gardisme des projets de Rosny-sous-Bois deviendront la norme des bâtiments publics de demain.

ARGANTAËL BEUCHERIE

Architecte diplômée d’état et certifiée Pro Paille