Décret tertiaire, 60 % d’économies d’énergie, est-ce réalisable facilement ?

Louisa Frangeul Actualité Ghara

Dans le contexte actuel, la sobriété et l’indépendance énergétique sont plus que jamais au centre des discussions. A l’heure où le prix de l’énergie s’envole et où les enjeux climatiques sont majeurs, le décret tertiaire force le mouvement pour afficher des objectifs de réduction de consommation ambitieux.

Si les bâtiments neufs entrent dans l’ère de la RE 2020, la réglementation énergétique qui concerne les bâtiments existants semblait encore à la traine puisque les textes datent de plus de dix ans (2007).

Il était temps que l’Etat publie en juillet 2019 le décret n°2019-771, dit tertiaire qui impose des seuils de réduction des consommations pour les parcs bâtis existants d’ici 2030.

Il est intéressant de noter que c’est une grande première pour l’Etat de proposer un texte basé sur un objectif de résultat réel et non un seuil calculatoire comme pour les réglementations thermiques. Un changement de prise de position pertinent dans un contexte où le décalage entre les consommations estimées et celles réellement facturées est souvent important.

Un texte qui ne manque pas d’ambitions

Ce décret est ambitieux, il implique des engagements de réduction de consommation énergétique progressifs pour 2030, 2040 et 2050, fixés soit en fonction d’un niveau de consommation respectif de -40 / -50 / -60 %  , soit en fonction d’une valeur seuil dépendante du type de bâtiment ( hôtel / bureaux , etc… ) et reprise dans l’arrêté d’application.

Si le texte présente des objectifs précis et quantifiés, les démarches pour y répondre ne sont pas clairement identifiables. Les bureaux d’études sont confrontés tous les jours à ces multiples questions.

Suis-je concerné ?

Oui si je suis un propriétaire ou un locataire d’un bâtiment ou parc bâti dit Tertiaire au sens de la définition de l’INSEE* d’une surface de plancher cumulée supérieure à 1000 m2.

* Source INSEE

Le secteur tertiaire recouvre un vaste champ d’activités qui s’étend du commerce à l’administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et services aux particuliers, l’éducation, la santé et l’action sociale.

Quand dois-je engager les démarches ?

MAINTENANT ! car je dois déclarer mes bâtiments soumis auprès de la plateforme OPERAT de l’Ademe avant le 31 septembre 2022.

Comment ?


Ces démarches peuvent s’opérer en plusieurs étapes-clés, à savoir :

  • Réaliser un état des lieux patrimonial permettant d’identifier les bâtiments concernés du parc, ainsi que les travaux réalisés depuis 2010 et les projets en cours devant y être intégrés
  • Collecter les données des bâtiments (surfaces, consommations, etc…)
  • Déclarer les consommations annuellement à partir de septembre 2022 sur la plateforme OPERA de l’ADEME
  • Hiérarchiser et définir les potentiels d’économies d’énergie et leur ratio investissement / économies générées
  • Définir un schéma directeur immobilier pour répondre aux objectifs 2030 / 2040 / 2050.

Et si je ne le fais pas ?

En complément des doutes légitimes sur le bienfondé de ces choix politiques (pour le moins … arbitraires), on peut tout autant s’interroger sur la fiabilité des valeurs des FDES/PEP, pourtant cruciale pour crédibiliser le calcul du poids

Si le texte est ambitieux, il reste plutôt incitatif que dissuasif, à ce titre l’État comptera sur la bonne conscience environnementale des concernés pour tenir les objectifs.

En effet les sanctions en cas de non atteinte des objectifs pourraient sembler dérisoires au regard des efforts nécessaires pour amener à -40 % de consommation d’énergie les bâtiments qui sont parfois des « passoires thermiques ».

Suivant le profil concerné (personne physique ou personne morale), l’amende pourrait s’élevée entre 1500 et 7500 euros.

Aussi l’Etat opte pour une mise en évidence des mauvais élèves via une liste noire rendue publique pour faire pression sur les entités encore récalcitrantes.

La performance énergétique, c’est avant tout du bon sens

Plusieurs axes de travail permettent l’atteinte de l’objectif avec parfois des coûts de travaux à retour sur investissement élevé ( ROI ), permettant une rentabilité immédiate au regard du coût énergétique actuel.

  • Requestionner l’usage du bâtiment

En premier lieu , requestionner l’usage du bâtiment en densifier les espaces de travail, en mixant les usages des lieux et en mutualisant ces locaux entre plusieurs entités permet de maximiser les besoins et les horaires d’occupations mais également de réduire les surfaces à chauffer.  Ce sera aussi l’occasion pour les  propriétaires ou locataires de maximiser le temps d’utilisation de ces locaux et de soustraire certains locaux de leur patrimoine dans le but de diminuer le périmètre soumis au décret et de valoriser leur parc immobilier par la revente des surfaces en trop.

  • Sensibiliser aux éco-gestes

S’il y a bien une solution gratuite pour faire des économies d’énergie tout en garantissant le confort de l’individu, c’est l’action de sensibilisation des usagers du bâtiment. Le concours Cube (championnat de France des économies d’énergie) a par exemple montré au fil des saisons que l’impact du bon usage des bâtiments était non négligeable en ayant jusqu’à 20 % d’incidence sur la réduction de consommation. Le travail de sensibilisation peut être réalisé en interne par les personnes en charge de la politique RSE de l’entreprise ou animé par des spécialistes en challenge environnemental par exemple.

  •  Maitriser son exploitation

« Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ».

Une grande part de la performance énergétique d’un bâtiment est liée à sa bonne conduite d’exploitation et notamment l’adéquation entre les besoins des occupants ( confort, matériel, etc… )  et la réponse technique apportée pour répondre à ce besoin.  Bon nombre d’installations techniques ne sont pas correctement conduites ou utilisent des paramétrages simplistes pouvant engendre des surconsommations importantes. Le triptique gestionnaire de site, exploitant et commissionneur permettra dans ce type de situation de corriger le tir.

On pourrait citer quelques constats comme :

– Un planning de chauffe 24h/24h quand le bâtiment est occupé de 8h à 18h, avec l’absence de réduit,

– L’absence ou la non fonctionnalité d’organes de régulation terminale de type robinet thermostatique ou thermostat d’ambiance ne permettant pas d’avoir un retour sur la consigne ciblée.

– Un éclairage allumé constamment la journée et sans régulation,

– Etc…

  • Commencer par des petits travaux avec rentabilité immédiate

Une fois les premières étapes réalisées, il y a lieu de prioriser les travaux avec rentabilité immédiate dont certains peuvent parfois être réalisés en régie.

Pour cela, dans la plupart des cas la réalisation d’un audit énergétique réalisé par un bureau d’études spécialisé permet des économies immédiates sur la facture par l’application d’un plan d’action précisant les APE (actions de performances énergétiques). Côté client, il convient d’identifier le « chef d’orchestre » permettant de piloter ces actions.

Et si ça ne suffit pas ?

Si en optimisant l’usage du bâtiment, en formant les usagers aux éco gestes, en exploitant parfaitement son parc bâti et en réalisant les travaux à rentabilité immédiate ne suffit pas, alors des travaux les plus lourds de rénovation énergétique globaux devront être réalisés.

L’une des approches est d’envisager un plan pluriannuel d’investissement en croisant l’approche pérennité du bâti avec la performance énergétique. Une rénovation globale en cohérence avec le plan de maintenance préventive garantira la durabilité des solutions proposées notamment en identifiant les matériaux et équipements en fin de vie pour les remplacer au meilleur moment et profiter de cela pour « upgrader » leur performance énergétique.

Par exemple, s’il était nécessaire de remplacer la couverture étanchéité en fin de vie sous deux ans, cela permettrait une isolation complète avec un gain énergétique conséquent à la clé.

Est-ce facile d’atteindre les objectifs ?

Avec la latitude donnée sur le délai de prise en compte entre 2010 et 2050, nous sommes donc optimistes quant à la capacité des propriétaires, locataires et gestionnaires de sites à tendre vers ces engagements. Bien sûr cela nécessite dans la majorité des cas un accompagnement par des professionnels du bâtiment, à la fois dans les études de solutions mais également dans la réalisation des travaux.

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IMPACT Conseils & Ingénierie expert en performance énergétique depuis plus de 15 ans.

Liens utiles

Liens vers le décret :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038812251

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041842389

Site de l’ADEME : https://operat.ademe.fr/#/public/home

Impact Conseils & Ingénierie : pour toute demande www.impact-ing.com

MARTIAL COPIN

FORMATEUR GHARA RE 2020 ET BÂTIMENT PASSIF