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L’adaptation des bâtiments aux changements climatiques : un enjeu majeur

Louisa Frangeul Articles écoconstructions

L’été dernier, de nombreuses catastrophes naturelles se sont abattues en France en l’espace de quelques semaines. Entre sécheresses intenses sur l’ensemble de la métropole, canicules, feux de forêt, inondations et tempêtes violentes, ces évènements climatiques intenses ont causé 10 milliards d’euros de dommages sur l’année, un niveau inédit depuis 25 ans. Ce triste record illustre bien l’augmentation de ces évènements, tant dans leur fréquence que dans leur intensité.

Ce constat remet au cœur du débat public les conséquences du changement climatique dû à l’activité humaine. En 2019, le nombre de migrants climatiques a été estimé à 33.4 millions, habitants majoritairement en Afrique et en Asie du Sud-est. Bien que les populations les plus pauvres soient plus vulnérables, l’enjeu grandit aussi en Europe. Il devient alors urgent d’anticiper au maximum les changements à venir dans les prochaines décennies. Au-delà d’une volonté d’atténuer notre impact environnemental, il est devenu primordial de développer une stratégie d’adaptation, particulièrement pour nos bâtiments et nos villes.

La stratégie de transition écologique doit passer par l’adaptation

Une évolution du climat de plus en plus inquiétante

L’objectif mondial souhaité est de limiter le réchauffement à 2° d’ici 2100. Cette différence de température pourrait sembler anecdotique. Pourtant, celle-ci engendrerait une augmentation considérable des catastrophes naturelles ainsi qu’un réel bouleversement pour les écosystèmes naturels, car cette augmentation ne s’effectue pas de manière uniforme sur la planète. De plus, l’objectif des 2°C semble déjà difficilement réalisable et nous nous orientons dangereusement vers un scénario de +4°C dont les conséquences seront désastreuses.

https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/rechauffement-climatique-la-strategie-d-adaptation-de-la-france-doit-aussi-prendre-en-compte-un-scenario-pessimiste-a-4-c-plaide-christophe-bechu_5630933.html

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Ce réchauffement climatique est dû en grande partie à l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère terrestre. Il devient alors primordial de limiter son émission, c’est ce qu’on appelle l’atténuation. En parallèle, une stratégie d’adaptation doit être menée. S’adapter au changement climatique demande de prendre en compte le contexte local et d’anticiper l’évolution du climat pour limiter ses dégâts. Afin de préparer au mieux nos villes et nos bâtiments, la plupart des pays ont développés une stratégie commune d’atténuation et d’adaptation.

Les différents types d’aléas climatiques

Les catastrophes naturelles majeures qui impactent nos bâtiments sont :

Les inondations : souvent dues à de fortes précipitations et au contexte géographique. Les villes sont en général plus touchées car leur sol est peu perméable, ce qui empêche l’eau de s’échapper ;

La montée du niveau de la mer : les bâtiments sont soumis à un risque de chute avec l’érosion et, à plus long terme, des territoires entiers pourraient être submergées si ce problème n’est pas bien anticipé ;

Les vagues de chaleur et canicules : bien que le bâtiment soit rarement endommagé, il s’agit plutôt d’un problème pour le confort des habitants et leur santé, ainsi qu’un risque de surconsommation d’énergie pour climatiser ces espaces intérieurs ;

La sécheresse : provoque un changement dans l’état des sols, provoquant un risque de retrait et gonflement des argiles, pouvant fissurer la structure du bâtiment ;

Les tempêtes : les risques principaux sont l’arrachement de la toiture du bâtiment, mais cela peut aller jusqu’à l’effondrement du bâtiment. Une attention particulière doit aussi être portée sur le mobilier extérieur pouvant s’envoler ;

Les incendies : de plus en plus nombreux et dangereux, de nombreux bâtiments sont détruits chaque année dans un incendie.

En fonction de sa localisation, un bâtiment ne sera pas soumis aux mêmes contraintes météorologiques. Rappelons qu’à l’origine, l’habitat a été développé pour nous protéger des dangers extérieurs : les bâtiments et le climat sont intrinsèquement liés. Bien que ce constat puisse paraître évident, nos nouvelles constructions devenues standardisées n’intègrent que trop rarement cette dimension pourtant primordiale en période de crise climatique.

Si vous souhaitez savoir à quels risques est exposé un bâtiment, faites-le test ici :

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L’importance d’une stratégie locale et prospective

La 1ère étape pour adapter un bâtiment au changement climatique est d’évaluer les risques auxquels celui-ci sera exposé. L’importance du risque dépend de plusieurs facteurs : état du bâti existant, vulnérabilité et densité des usagers, dépendance aux réseaux, … Le critère le plus déterminant reste la fréquence et l’ampleur des catastrophes naturelles, mais celui-ci est basé en partie sur des projections qui sont incertaines. L’enjeu est de construire aujourd’hui des bâtiments adaptés au climat de demain. Face à cette incertitude, il convient de garder un maximum de flexibilité afin de répondre au maximum de scénarios possibles.

Nos ancêtres avaient développé des solutions efficaces et adaptées au climat local par soucis de survie. L’habitat vernaculaire est particulièrement bien adapté à son contexte et de nombreuses solutions ont été mises en œuvre. Par exemple, de nouvelles constructions en secteur inondable peuvent être mises sur pilotis afin de permettre une circulation libre de l’eau en période de crue ou suite à une immersion marine. Il est aussi conseiller de garder au maximum du sol perméable (pleine terre, gravillons, pavés à joint enherbés, …) afin d’absorber l’eau, ne pas créer d’obstacles pour laisser l’eau s’écouler, mettre le réseau électrique et les autres éléments sensibles en hauteur, ….

Zoom sur les îlots de chaleur urbains

Définition d’un enjeu récent en France et pourtant primordial

Les épisodes de canicules et de fortes chaleurs récurrents ces dernières années ont mis en avant la problématique du confort thermique d’été. En effet, au-delà d’un certain seuil de température, un impact direct sur la santé des habitants peut être observé. Certains facteurs sont aggravants, comme la population touchée par cette canicule : les enfants et personnes âgées sont beaucoup plus vulnérables face à ce phénomène. De même, ce dernier touche plus particulièrement les villes, dont les différentes caractéristiques amplifient le phénomène : peu de végétation et beaucoup de matières minérales, réchauffement par les activités humaines, moins de circulation d’air, couleur sombre des revêtements de sol, etc.

Ce phénomène n’est pris en compte sérieusement que depuis peu en France, mais l’enjeu est tellement important que le confort d’été fait désormais partie de la nouvelle réglementation thermique (RE2020).

Ghara propose de nombreuses formations pour apprendre à maîtriser la RE2020, retrouvez-les ici :

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Les solutions à l’échelle de la ville

Les grandes métropoles sont principalement touchées par le réchauffement climatique. En effet, leur densité de population ainsi que leur morphologie les rendent plus vulnérables. Elles sont donc pionnières en stratégie de rafraîchissement, notamment en aménageant des espaces de nature, des plans d’eau et des zones ombragées.

De nombreuses villes de plus petites tailles ont emboîté le pas. Bien que l’effet d’îlot de chaleur y est moins important, il existe pourtant une réelle problématique de stress thermique et un réel besoin d’adaptation pour rendre l’espace public plus agréable en été.

De plus, les projets d’aménagements urbains pour lutter contre les îlots de chaleur possèdent de nombreux cobénéfices non-négligeables : création d’habitat pour la biodiversité, désimperméabilisation des sols, amélioration du cadre de vie, apport nourricier avec la plantation d’arbres fruitiers ou la mise en place de potagers, … Cette liste reste évidemment non-exhaustive face aux multiples avantages des projets de ce type.

Une des solutions majeures mises en avant est la rénovation de cours d’écoles dans les villes.

Le mouvement des cours Oasis à Paris, inspiré de cours aux Pays-Bas et en Belgique, a été le précurseur en France. Si vous souhaitez en savoir plus sur les cours Oasis et leurs avantages, le sujet est abordé dans un autre de nos articles :

Les solutions à l’échelle du bâtiment

Sur nos bâtiments aussi, les adaptations au réchauffement climatique deviennent de plus en plus répandues. L’enjeu principal est de bien isoler le bâtiment pour limiter au maximum la chaleur de traverser le mur. Cependant, les facteurs des matériaux pour protéger de la chaleur ne sont pas les mêmes recherchées que pour isoler du froid en hiver. L’importance est d’utiliser un isolant avec un bon déphasage, c’est-à-dire qui laissera passer la chaleur plus lentement. Certains matériaux biosourcés, comme la fibre de bois ou la paille, possèdent un excellent temps de déphasage contrairement à d’autres isolants minéraux et synthétiques.

Un autre enjeu pour éviter la surchauffe est de limiter l’apport direct du soleil en été. Il faut créer de l’ombre durant la période chaude, lorsque le soleil est au plus haut dans le ciel. De nombreuses solutions existent en fonction des besoins : création de casquettes, mise en place de brise-soleil, de stores et volets extérieurs ou plantation d’arbres caducs.

Idéalement, il faut aussi limiter les dépenses d’énergie en climatisation grâce à des solutions low-techs. Par exemple, celle du « free-cooling » qui consiste à aérer un bâtiment uniquement la nuit, lorsque la température est plus fraîche. A noter que cette solution est très limitée en période de canicule : la circulation d’air permet de mieux supporter la chaleur, mais cela ne suffit pas à compenser la température constamment chaude.

https://expertises.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/performance-energetique-energies-renouvelables/comment-ameliorer-performance-energetique-lindustrie/preconisation-129

Adaptation au changement climatique : le mot de la fin

Une prise de conscience mondiale et les nouvelles réglementations tendent vers l’atténuation du réchauffement climatique.

Pourtant, ce phénomène est déjà en route et ne s’arrêtera pas du jour au lendemain, causant ainsi l’augmentation des catastrophes climatiques.

Dès lors, il convient d’anticiper le plus tôt possible une nouvelle stratégie d’adaptation. Nos villes et nos bâtiments doivent être aménagés pour être moins vulnérables et plus résilients, afin de protéger au maximum ses habitants.

ARGANTAËL BEUCHERIE

Architecte diplômée d’état et certifiée Pro Paille