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Les enjeux de la déminéralisation des cours d’école

Louisa Frangeul Articles écoconstructions

Le programme parisien Cours oasis

Au cœur de la ville de Paris, les cours d’école représentent une surface totale de plus de 70 hectares, et sont réparties de manière homogène sur le territoire. Généralement asphaltées et imperméables, elles participent à l’effet d’îlot de chaleur urbain, et sont donc un levier important à l’heure du réchauffement climatique. C’est pour lutter contre cela que la ville a mis en place l’initiative Oasis, dont l’objectif est de végétaliser et dé-imperméabiliser les cours de récréation. Porté par les CAUE franciliens, ce dispositif accompagne les écoles dans la transformation de leurs espaces extérieurs.

Végétaliser les cours d’école : quels enjeux ?

Premièrement, la présence de végétation permet de diversifier les usages et les jeux présents
dans la cour de récréation
. En effet, une nouvelle division spatiale peut être mise en œuvre grâce
aux arbres et arbustes, permettant ainsi la création de nouvelles zones de jeu, et donc de nouveaux
usages. L’usage de petites haies ou de plates-bandes peuvent également permettre d’offrir aux
enfants de l’intimité et du calme sans gêner la surveillance des adultes, en s’adaptant à la hauteur
d’oeil de chacun. Les conflits liés à ces usages peuvent également être limités, avec ,par exemple,
des haies de conifère pouvant bloquer les ballons. La présence de l’eau est également un élément
qui est très ludique pour les enfants, qui en sont en général fascinés. Il y a donc un véritable intérêt
ludique à végétaliser les cours d’école.

Deuxièmement, le rôle pédagogique d’une cour d’école végétalisée n’est pas négligeable.
L’accès à la nature peut en effet offrir de nouveaux savoirs, surtout pour des enfants habitués à la
ville. Cela permet ainsi un apprentissage à propos de la nature, par la nature et dans la nature. En
effet, la présence de faune et de flore entourant les enfants est essentielle pour faire de l’étude de ces
dernières des notions concrètes. La présence de panneaux didactiques ou de jardins pédagogiques
peut également être un élément moteur d’apprentissage pour les élèves. Cela permet de lier
pédagogie et jeu, et de permettre aux enfants d’être actifs de leur propre éducation.

Image by Freepik

De plus, de nombreuses études scientifiques démontrent que la présence de verdure permet de réduire le stress et d’augmenter la concentration des enfants mais également leur mémoire. Au delà des apprentissages que l’on peut donc tirer de la nature, en être entouré est également bénéfique pour les autres enseignements traditionnels.

Ensuite, une cour d’école végétalisée permet également une amélioration du climat social. Une étude néerlandaise démontre ainsi qu’il y a des liens directs entre le bien-être des enfants, un bon climat social et la présence de nature au sein des
espaces dans lesquels ils évoluent, dont la cour de récréation. Cette étude a été menée sur 300 enfants au sein de quatre écoles à Rotterdam. L’auteure Wendy Titman établit également un lien entre l’agressivité et les cours bitumées, sans repères. Les végétaliser permettrait donc de limiter le harcèlement physique et les violences entre les enfants.

Mais encore, une cour végétalisée permet également d’atténuer les dynamiques de genre qui régissent encore souvent la division spatiale dans les cours d’école (les garçons au centre, qui occupent une grosse majorité de l’espace, en lien avec le terrain de foot, et les filles en périphérie, dans les recoins). En effet, les espaces verts ne correspondant à aucun stéréotype essentialiste, ils permettent à tous les enfants sans distinction de se les approprier.

Enfin, la cour d’école permet d’améliorer et de développer les capacités motrices des enfants. Cela permet donc de lutter contre leur sédentarisation, et donc certaines maladies à l’instar de l’obésité. En effet, la présence d’espaces verts attrayants pousse les enfants à les utiliser, et à pratiquer des activités physiques, notamment chez les filles qui ont plutôt tendance à être statiques pendant les temps de récréation habituellement.
Ainsi, la végétalisation des cours d’écoles est une réponse nécessaire à de nombreux enjeux de la société actuelle. Elle est bénéfique pour l’ensemble du milieu dans lequel elle s’inscrit, en participant à la transition écologique, mais également pour les enfants, à qui cela va permettre d’apprendre de nouveaux savoirs, mais aussi de transformer leur manière de jouer. En effet, cela leur ouvre de nouvelles possibilités et perspectives, en créant de nouveaux jeux et de nouveaux espaces, mais également en permettant d’inclure de la mixité et un climat social bienveillant.

La végétalisation pour apporter des espaces verts et de la fraîcheur

Aussi et évidemment, l’enjeu écologique de transformer les cours d’école en îlot de fraîcheur est également au cœur de la réflexion. En effet, les écoles sont souvent situées dans des milieux urbains, où la densité des constructions et les matériaux utilisés créent un effet d’îlot de chaleur. Ces derniers correspondent à des micro-climats artificiels, créés par l’activité humaine, où les températures localisées sont plus élevées que dans les zones rurales alentour. Cela peut aggraver les épisodes caniculaires et détruire la biodiversité. Les espaces verts permettent alors de créer des
îlots de fraîcheur, grâce à l’ombre, l’évapotranspiration et l’absence de bitume qui retient la chaleur.

Transformer les cours d’école en espaces verts est donc une bonne solution pour amener de la fraîcheur en ville, essentielle avec le réchauffement climatique. La présence d’eau au sein des cours de récréation permet également d’avoir cet effet rafraîchissant. De plus, avoir des sols perméables permet également d’alimenter les nappes phréatiques, enjeu essentiel de la transition écologique, et une végétation dense permet de limiter le flux de pollution atmosphérique, assainissant donc l’air.
Ainsi, végétaliser les cours d’école, qui ont souvent des surfaces importantes à l’échelle d’une ville, permet de répondre à des enjeux climatiques et environnementaux essentiels.

Une solution concrète : la méthode Oasis

La méthode Oasis est définie par un cahier de recommandations, qui propose des solutions concrètes pour atteindre les objectifs définis.
La première étape est de constituer une équipe de projet, qui se veut pluridisciplinaire et comportant les différents acteurs suivants :
– les usagers des espaces extérieurs, que ce soit les élèves, les enseignants ou encore les agents d’entretien
– les gestionnaires, porteurs du projet, comportant donc la maîtrise d’ouvrage, les directeurs d’établissement mais aussi parfois les élus
– les concepteurs, qui apportent leur soutien et leur regard d’expert sur les aménagements proposés

Ces différents acteurs s’assemblent pour la première phase du projet, qui est une phase de  »co-conception », c’est-à-dire que les usagers de la cour de récréation sont pris en compte et participent aux réflexions, afin d’intégrer leur expérience et savoir-faire d’usage. Cela permet ainsi pour les
concepteurs d’identifier les réels besoins et d’anticiper l’appropriation de la nouvelle cour.

Pendant cette phase, un état des lieux des espaces extérieurs est réalisé, afin de connaître les futures contraintes techniques qui impacteront la conception. Il s’agit ici de relever l’état général, de repérer les points forts et ce qui pourra être conservé, et de réaliser différents diagnostics à l’instar de l’ensoleillement, l’environnement urbain ou encore l’historique du site. Commence ensuite le projet d’aménagement, qui se doit de suivre dans la mesure du possible, un certain nombre de principes.
Premièrement, une attention toute particulière doit être portée à la biodiversité. Pour cela, il faut créer un véritable éco-système qui servira de support de vie à la faune, en créant différentes strates végétales. Il faut donc soigner les arbres existants et en planter de nouveaux, en les choisissant d’espèces diversifiées et régionales. L’eau doit également être traitée, en créant par exemple des mares pédagogiques ou des jardins de pluie et en creusant des noues.
De plus, les espaces végétalisés doivent également être accessibles aux enfants et leur proposer de nouvelles activités sensibilisantes. C’est pour cela qu’il faut favoriser la création de jardins pédagogiques ou de potagers, des espaces de compostage, des poulaillers ou encore des hôtels à insectes.
Ensuite, il faut également aménager les sols, en suivant quelques règles. Ces dernières sont de créer du relief, afin de favoriser l’activité physique des enfants mais aussi de leur créer des recoins d’intimité, de privilégier les sols naturels et perméables, et de tirer profit du sol existant.
De plus, pour correspondre à l’idée d’îlot de fraîcheur, il faut également créer un maximum d’ombre, que ce soit avec les arbres ou avec des protections solaires.
Enfin, la dernière règle est de créer des aménagements ludiques et sportifs afin de favoriser le bien-être des enfants. L’objectif est ici de sortir des modèles que l’on connaît et de proposer une offre diversifiée, qui favorise l’imagination, l’exploration et l’appropriation. Cela peut passer par une malle remplie d’objets récupérés, des cabanes, un mur d’escalade, des rivières pédagogiques ou encore des tableaux d’expression. Toutes ces composantes, réfléchies avec les usagers de la cour, permettront de réaliser un aménagement adapté, pour en faire un espace agréable peu importe la saison, appropriable et

Exemple de cour Oasis : le chantier de l’école maternelle Emeriau

L’école maternelle Emeriau, à Paris, a fait partie du programme Oasis et a été réaménagée pendant l’été 2020. Pour cela, un atelier par semaine de co-conception a été mis en place au cours de l’année scolaire afin de réaliser un diagnostic d’usages et de formuler les intentions de projet. Nous allons voir, à travers les photographies de chantier publiées sur le blog associé, comment se matérialisent les grands principes vus précédemment dans cette cour d’école.

Image 1
Image 2

Image 3

Source : CAUE de Paris

Image 1 : Un jeune arbre a été planté dès le début du projet, près d’un jardin humide. Son essence a été choisie de telle sorte que lorsqu’il grandira, il permettra de faire de l’ombre pour protéger les enfants du soleil.

Image 2 : La topographie de la cour est modifiée pour créer des buttes, qui seront le support de jeux et permettront aux enfants de travailler leur motricité.

Image 3 : La création d’une rivière pédagogique et d’un espace qui accueille des plantations permet aux enfants d’appréhender un éco-système qu’ils vont voir évoluer au fil des saisons et du temps.

Source : CAUE de Paris

Les concepteurs ont profité des barrières
de la cour pour créer une via-ferrata
miniature et un amphithéâtre en rondins
complète également ces aménagements ludiques

Ainsi, l’école maternelle Emeriau illustre bien la manière dont le programme Oasis permet à la fois d’adapter les cours d’école aux enjeux climatiques et d’offrir aux enfants de nouveaux modes de jeu et nouvelles activités favorisant leur épanouissement.

Sources

Association for Psychological Science. (2008, Décembre 23). A Walk In The Park
A Day Keeps Mental Fatigue Away. ScienceDaily. RMay disponible sur www.sciencedaily.com/releases/2008/12/081218122242.htm


VIVRE EN VILLE (2014). Verdir les quartiers, une école à la fois : le verdissement
des cours d’école pourune nature de proximité. 108 p.


PAGELS P, (2014), A repeated measurement study investigating the impact of school outdoor environment upon physical activity across ages and seasons in Swedish second, fifth and eighth graders in BMC Public Health201414:803


CAUE de Paris, (2020, juin), Cahier de recommandations pour la transformation des cours d’école, disponible sur https://fr.calameo.com/read/004055278574d74b1615a?page=1
https://sites.google.com/caue75.fr/cours-oasis-emeriau/accueil?authuser=0#h.8bbk93ede6c7

LEA DUMAS

Etudiante en architecture

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