climatisation naturelle

La climatisation naturelle, une technique ancestrale.

Louisa Frangeul Articles écoconstructions

Cet été encore, les Français étouffaient dans leurs logements inadaptés face aux vagues de canicule qui frappent. Le réchauffement climatique s’impose plus rapidement que prévu et il est grand temps pour les acteurs du bâtiment de trouver des solutions durables pour améliorer le confort thermique de nos habitations. Ghara s’est penché sur la question : comment pouvons-nous rafraîchir nos intérieurs de manière responsable ?

Bien souvent les solutions mécaniques (simple ou double flux) sont installées dans nos demeures alors qu’il existe des alternatives bien plus économes qui utilisent une ventilation naturelle. Elle ne se résume pas à laisser nos fenêtres ouvertes, c’est une réflexion liée à la gestion des flux d’air. L’histoire de l’architecture démontre qu’il est possible de s’adapter à de fortes températures selon deux grands principes : la convection naturelle et l’inertie thermique.

Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de masse thermique, calorie et mouvement d’air chaud et froid, de tour des vents, de cheminées solaire ou encore, de puits canadien ou provençal ? Dans cet article, on vous explique tout en s’intéressant plus particulièrement à deux manières de produire de l’air frais avec des systèmes écologiques qui peuvent être conçus pour des constructions neuves ou existantes !

La ventilation naturelle

En deux principes

La convection naturelle s’explique en étant le mouvement créer par les différences de densité, l’air chaud se dilate, devient plus léger que son environnement et monte spontanément. L’air froid, plus lourd, reste plus proche du sol.  Ces différences de températures entrainent une force naturelle.[1]

L’inertie thermique relève de la capacité d’un matériau à conserver sa température. Il existe trois types d’inertie thermique : l’inertie de transmission, l’inertie d’absorption et l’inertie superficielle.[2]

Ce sont principalement grâce à ces deux faits scientifiques que l’on peut rafraîchir naturellement nos espaces intérieurs. Sachez-le, d’innombrables exemples et options s’offrent à vous, il suffit de regarder ce qu’il fait sur chacun de nos continents. Toutefois, peu importe la structure que vous choisirez, il est d’abord nécessaire d’avoir un bâti avec une inertie thermique convenable, c’est-à-dire une bonne isolation où la ventilation peut y être contrôlée.

Aussi, réfléchissez au positionnement de votre habitation et sa possible captation des vents majeurs, en fonction de sa rose des vents. Il est important de noter la température de ces vents tout au long de l’année. Un vent chaud ou un vent  froid pourra servir différemment au dispositif que vous souhaitez employer. Suivant l’orientation de votre site, les fenêtres latérales peuvent procurer un courant d’air. L’autre manière d’obtenir une ventilation, c’est en perçant des ouvertures hautes et basses. Avoir un sous-sol ou une cave multiplient les possibilités de ventiler son intérieur. Voici ci-dessous, deux exemples d’architecture qui ne datent pas d’hier mais qui ont fait leurs preuves !


[1] CHALON, J. (s.d.). ASCENDANCE, météorologie : le déclenchement de la convection. Encyclopédia Universalis. https://www.universalis.fr/encyclopedie/ascendance-meteorologie/4-le-declenchement-de-la-convection/

[2] Engie. (2023, 16 février). Comprendre l’inertie thermique des matériaux d’isolation. ENGIE. https://particuliers.engie.fr/economies-energie/conseils-economies-energie/conseils-travaux-renovation/inertie-thermique.html

Exemples historiques de climatisation naturelle

Badguir ou tour des vents

Les Badguirs ou aussi nommés tour des vents, sont des architectures traditionnelles persiennes servant dans les milieux désertiques comme système de climatisation naturelle. Ces grands conduits verticaux s’apparentant à des cheminées, rafraichissent les espaces intérieurs. Malgré les siècles passants, ces installations ne se sont toujours pas démodées. La première construction date de l’Empire perse, soit entre les 6ᵉ et 4ᵉ siècles avant notre ère. Le principe de fonctionnement est simple. Il utilise le schéma de convention naturelle, expliqué précédemment. Grossièrement : l’air chaud monte et l’air froid descend. Les tours hautes vont attraper, grâce à leurs fentes verticales, l’air chaud. Les maçonneries épaisses de l’architecture vont retenir les calories de cet air. C’est ce qu’on appelle, l’inertie d’absorption. Naturellement, l’air chaud entré dans le conduit en se délaissant de ces calories va se rafraichir et donc, descendre. Plus il se rafraîchit, plus il descend ; plus il descend plus il perd en température, se rapprochant ainsi des espaces d’habitation. L’air chaud situé dans l’habitat va en s’évacuant par une ouverture haute, avoir un effet d’aspiration. Celle-ci permet à l’air frais de rentrer par une ouverture plus basse. L’ouvrage en maçonnerie peut sembler imposant, mais se proportionne selon l’édifice à refroidir.  Évidemment la tour sera de dimensions différente selon qu’il faille climatiser une mosquée monumentale ou une petite maison.

Schéma explicatif, Badguir.

Puit canadien et cheminée solaire

Le puits canadien ou le puits provençal[1], est un autre exemple de ces dispositifs qui ont traversé le temps. Les premières traces d’utilisation de systèmes similaires remontent à la période romaine. Seulement, c’est l’architecte, Claude Micmacher, qui inaugure en 1977 le terme de « puits canadien ».

Le principe astucieux peut se faire lorsque le site associé au projet le permet, puisqu’il requiert l’élaboration d’une tranchée pouvant aller de 25 à 50 mètres en longueur et d’une profondeur d’environ 2 mètres. Plus le circuit est long, plus l’air insufflé est tempéré. En effet, en s’enterrant l’installation profite de l’énergie de la terre, c’est un dispositif géothermique. La température stable du sol se situe aux alentours des 12°C, elle varie légèrement selon les saisons ou les régions. En passant dans la gaine enterrée, l’air environnant aspiré par la borne extérieure, se refroidit ou se réchauffe suivant l’époque de l’année, avant d’être éconduit dans les espaces intérieurs.

Un regard ou un siphon est indispensable pour évacuer les condensas créés dans le tuyau par les différences de températures. Si en été, la température extérieure est de 30°C, le puits canadien la diminuera tandis qu’en hiver, si elle se trouve aux alentours des 0°C, il la réchauffera en rejetant un air toujours équivalent à la température de nos sols.

Pour fonctionner correctement le puits canadien ou provençal, doit être combiné avec un extracteur. De fait, l’air frais ne s’élève pas spontanément. Pour ce faire, il possible d’envisager un dispositif mécanique, tel qu’une VMC double-flux ou alors d’investir dans un principe bien plus écologique, comme une cheminée solaire.


[1] Mao, B. (2012, 5 mai). Puits canadien. Geo.fr. https://www.geo.fr/environnement/puits-canadien-maison-geothermie-39189

Schéma explicatif, Puits Canadien.

La cheminée solaire ou thermique[1] s’empare aussi du principe de convention naturelle et d’ailleurs l’accentue. En réalisant l’ouvrage en verre et en l’orientant au sud, le soleil va faire surchauffer, l’air chaud qui s’y lever déjà. En augmentant sa température l’air chaud va s’évacuer plus rapidement. En s’échappant, il va aspirer et forcer l’air plus frais resté dans les espaces du logis à s’extraire. Ce procédé naturel accomplit l’effet recherché.


[1] Cheminée solaire. Encyclopedie Energie. (s.d.). https://energyeducation.ca/Encyclopedie_Energie/index.php?title=Chemin%C3%A9e_solaire&oldid=1128

Schéma explicatif, La Cheminée Solaire.

Rencontre avec Cécile, et son rêve de transition

L’histoire de Cécile nous a beaucoup touchés chez Ghara et nous avions envie de la partager avec nos lecteurs.

Éco-construire ou être écologique, ce n’est qu’un mot nous rappelle notre hôte. Ce qu’elle est ou ce qu’elle fait, ce n’est pas pour faire partie d’un mouvement ou d’une tendance.

Cécile voit les choses différemment depuis son incident, ce qu’elle entreprend ne provient pas d’un geste de culpabilité, d’une manière de se revendiquer ou de sortir du cadre : elle le fait pour se sentir en harmonie avec elle-même et les autres. Voici ce qu’elle nous livre :

ecoconstruction exemple

« Devenir propriétaire, c’était mon tout premier engagement, avec moi-même. Quand j’ai acheté la prairie, c’était comme si on m’avait confié un morceau de notre planète. J’en ai pris soin comme j’aimerais que les autres le fassent avec leur parcelle du monde. C’est avec beaucoup d’émoi que j’avais planté mon premier arbre dans ce terrain qui n’en possédait que deux. Aujourd’hui, après trois années, il y a un peu plus de 1500 plantations : arbres, arbustes et herbacés confondus. Cette forêt c’était mon projet, la réalisation de la maison n’est qu’accessoire, c’est la cerise sur le gâteau. »

Cécile, voudrais-tu raconter ton histoire aux lecteurs de Ghara ?

« J’avais 35 ans quand j’ai décidé de suivre mon compagnon et de partir de la région parisienne. En arrivant dans le Lot (46), j’ai découvert une manière de vivre que je ne connais pas du tout : et ça m’a fait un choc. Depuis tout ce temps, j’avais besoin d’être plus proche de la nature et je ne le savais pas. Cette prise de conscience a guidé le restant de mes choix. En plantant ces arbres, je comprenais que je faisais quelque chose de bien plus grand que moi. Quand moi je partirais, les arbres resteront, ils n’ont pas la même échelle de temps. C’est une réelle motivation pour continuer, j’espère que ce lieu restera un endroit propice au repos et à la créativité. Voilà mon histoire. »

Et comment décrirais-tu ce paysage que tu fabriques ?

« Alors, la forêt se compose des 1500 variétés d’arbres et arbustes que j’ai planté toute seule et des deux marres. L’ensemble a été pensé de manière à constituer un écosystème, c’est-à-dire à proposer un habitat naturel où les espèces y vivant co-évoluent grâce à leurs interactions respectives. Autrement, pour décrire ce paysage, j’aimerais utiliser deux mots : accueil et transition, parce que ce sont des valeurs primordiales. Récemment on m’a demandé ce qu’était mon lapin blanc. Vous savez, en référence à Lewis Carroll et ce qu’Alice poursuit sans cesse dans son pays des merveilles. J’ai répondu, la motivation. J’ai tellement envie de finir et d’avoir ce « chez moi », ce « havre de paix ». Pour y arriver, j’ai accepté de diminuer mon niveau de vie social et mes revenus. Ce qui me tient à coeur, c’est de réaliser ce rêve de petite fille que j’avais gardé dans un coin de ma tête. Ce n’est pas pour tout de suite mais j’imagine dans un futur lointain que ce jardin pourrait recevoir des personnes en transition, comme moi. Je parle de personnes qui ont besoin de se ressourcer, besoin de repos sans être jugé. J’aime bien le mot transition, ce sont des fondamentaux de la vie, on passe de petite fille à femme, puis en tant que femme mon corps a changé pour donner naissance. Ces transitions sont mentales et physiques. D’ailleurs, j’aimerais le souligner, on parle aussi de transition écologique. »

J’ai l’impression que ça n’a pas été facile tous les jours, je me trompe ?

« C’est loin d’être facile de mener ce genre de projet. J’ai failli arrêter plusieurs fois. Il y a énormément à organiser et à apprendre chaque jour. C’est dur, puisque comme j’ai entrepris cette démarche seule, tout repose sur moi et ma volonté : il n’y a personne d’autre à blâmer. Je ne suis pas rémunéré à faire ce parc. J’ai arrêté mon métier de graphiste, après sept ans d’expérience pour enchainer des petits boulots et pouvoir réaliser mon rêve : un espace d’apaisement et de créativité. Cette forêt est un exutoire. Un peu comme un artiste et sa toile, je peux mélanger les couleurs et les formes grâce à une palette de fleurs et de nature. »

Et la maison dans tout ça ?

« La maison, on ne la remarque presque pas dans ce tableau, aussi parce qu’elle a été conçu avec les matériaux du coin. La charpente en tronc d’arbre, en plus d’être incroyablement belle, s’auto-porte, un peu comme un système de voute : ce qui permet de ne pas avoir de poteaux au centre de l’espace. Les murs ossature-bois sont isolés avec de la paille et la finition est un enduit chaux-sable. Comme je l’ai dit, la yourte n’est qu’accessoire dans le paysage. Quand elle sera terminée je la couvrirais de fleurs pour qu’elle se noie dans le décor. Je voulais une maison ronde, parce que j’adore cette forme ! Les dimensions sont basées sur le chiffre d’or, pour moi ça faisait sens. L’énergie de la forme et les vibrations qu’elle dégage la rendent très jolie. Lorsque j’étais dans cette période de recherche intense sur mes valeurs et ce que je voulais faire, j’ai passé de nombreuses heures sur internet. C’est comme ça que j’ai découvert le site d’HeliYourte [1]. Je suis tout de suite tombé amoureuse du concept. Ils m’ont aidé dans la réalisation de cet habitat et on produit les dessins techniques. Pour l’intérieur, j’ai proposé un plan que j’avais ébauché avec une copine architecte. En tout la maison a 72m2 au sol, avec deux chambres correctes, un grand salon avec une cuisine ouverte, une petite salle de bain et un toilette séparé. »

Le chantier participatif de Cécile et ses bénévoles

Tous les espaces de ta maison sont ventilés naturellement, tu nous expliques ?

« Avoir une ventilation naturelle m’a paru être une évidence. Chaque espace possède a minima une fenêtre, il y en a neuf en tout ! L’une n’avait pas était prévu à l’origine et puis elle a été ajouté par l’équipe d’HeliYourte. Les ouvertures sont évidemment le système de ventilation principal. Pour ce qui concerne le puits canadien, c’était mon initiative. Il faut le faire, ça devrait être une obligation ! Dans notre écosystème, la géothermie est l’une des rares choses les plus stables : la température sous nos pieds est la même tout au long de l’année (autour de 12-13°) alors pourquoi ne pas s’en servir ? De plus, la mise en oeuvre d’un puits canadien n’est pas si difficile. Ça a été la première étape de mon chantier : j’ai tracé les 26 mètres sur mon terrain et puis, j’ai appelé un voisin auto-entrepreneur, pour qu’il creuse la tranchée de 1,5 – 1,8 mètre de profondeur. C’est quand même un sacré chantier, je n’avais pas imaginé que c’était aussi grand ! Il y a eu beaucoup de pluie en 2020, alors il a fallu pomper la tranchée à plusieurs reprises avant de pouvoir placé les tuyaux. Comme la tranchée avait été pour le puits canadien a été, j’en ai profité pour faire passer les tuyaux d’eau et d’électricité. Tout était installé en même temps, cela veut dire qu’il y avait les trois corps de métier en même temps sur le chantier : c’est tout un travail de coordination !

Le principe est très simple, l’air prisé de l’extérieur, se réchauffe ou se refroidit dans le sol, avant d’être soufflé dans les espaces de la maison. D’ailleurs, je n’avais pas réfléchi en amont aux emplacements pour les sorties d’air, alors ça a été un peu « système D ». L’air passe finalement sous le plancher, se divise en trois pour arriver dans chacune des chambres et au milieu du salon. La maison n’a pas besoin d’un système de ventilation mécanique (comme une VMC ou un double-flux). Par ailleurs, les murs en paille contribuent au confort intérieur en participant à la régulation de l’hygrométrie.« 

C’est impressionnant toutes ces connaissances, comment les as-tu apprise ?

« Ahah, merci ! Souvent, moi aussi je suis impressionné par moi-même. Je ne me mets pas de limite, j’ai pris cet engagement avec moi-même et je le tiendrais, peu importe le nombre d’heures que je passe ou que j’ai passé sur internet, à lire, à discuter pour apprendre. »


[1] Anonyme. (s.d.). https://heliyourte.fr/index.html

Climatisation naturelle : mon avis d’architecte en conclusion

Les manières de ventiler naturellement sont multiples mais dépendent avant tout du lieu du projet, de son échelle et de son environnement avoisinant. Évidemment concevoir en ville, n’est pas la même chose qu’en campagne ; de la même façon une rénovation sur un bâtiment existant appelle à d’autres demandes et recherches qu’une construction neuve. Pour autant les différentes contraintes ne doivent en aucun cas empêcher les réflexions liées à l’utilisation des énergies naturelles, comme le vent ou la géothermie.

Il est devenu courant de préconiser des systèmes de ventilation ou climatisation sans bien même avoir analysés et étudiés les conditions d’un site. Le programme délivré étant jugé suffisant pour installer ces équipements généralisés : c’est un tort ! L’histoire de notre progrès et la recherche constante d’un confort et d’une température idyllique dans nos logements, ont poussé nos maisons à devenir, des machines à habiter. Ces capsules isolées n’exploitent plus toutes les qualités des matériaux d’édification. Elle amène à l’addition des matières en façade provoquant des murs qui ne « respirent » plus. Les solutions mécaniques et électriques résolvent alors ce nouveau schéma de la circulation de l’air, tout en provoquant les questionnements de l’ère high-tech. Ces problèmes sont une nouvelle fois solutionnés par la complexification ou la complémentarité d’encore plus de systèmes à intégrer dans nos sols, murs ou plafonds.

Avons-nous oublié qu’il y avait une raison aux épais murs de pierre, à l’isolation à la paille sous les toits, à l’installation de sous-sols dans nos régions ? Sachez-le, la nature est bien faite, si vous construisez avec les ressources qui vous sont à proximité votre habitat sera sans aucun doute, des plus économes car des plus intelligents.

Lorsque l’on revient à des techniques de construction, moins sophistiqués autrement nommées low-tech, les possibilités de comprendre et donc, de tirer profit, des ressources environnantes peuvent permettent une édification passive et même positive. Malheureusement, comme Cécile, beaucoup d’éco-constructeur se lance seul dans la réalisation de leur projet d’habitation. Ils doivent apprendre par leur propre moyen en se renseignant et en croisant eux-mêmes les documentations qu’ils obtiennent, notamment sur le net. La masse d’informations conduit fréquemment à de petites erreurs, seulement celles-ci ne se font pas sans conséquence sur l’ouvrage, le budget alloué ou bien même sur le planning organisé. Construire en conscience de notre impact sur notre environnement devrait être, aujourd’hui, l’ambition de chacun et des professionnels dans ce milieu. Le centre de formation Ghara tente de répondre à cette demande. L’équipe de professionnels y travaillant montre l’exemple en proposant et en s’investissant dans de nombreuses et diverses formations répondant à l’actualité et surtout à vos besoins.

LEA FALLET

Architecte D.E