Eco_construction_chantiers

L’éco-construction au travers des chantiers participatifs

Louisa Frangeul Actualité Ghara

Se lancer dans une auto-construction écolo est un défi que nous sommes de plus en plus nombreux à relever en France ! Et, savez-vous que vous pouviez participer à ce type de projets et mettre en pratique des techniques fraichement apprises, en formation Ghara par exemple ? 1
Se confronter à la réalité d’un chantier est un bon moyen d’en apprendre davantage. Cela permet aussi, de rencontrer des personnes intéressantes qui partagent vos valeurs, de voyager, de découvrir les paysages français (ou d’ailleurs) et peut-être même de préparer ou d’envisager son propre rêve éco-conçu. Qu’est-ce qu’un chantier participatif ? Quels sont les types de chantiers proposés ? Quels sont les matériaux et les techniques de construction les plus utilisés ? Comment s’organise-t-on pour ce voyage ? Je vous livre toute mon enquête dans cet article !

Le chantier participatif : un travail d’équipe

Un chantier participatif : c’est quoi ?

Avant de partir à l’aventure pour s’exercer dans un chantier participatif, il faut déjà savoir ce que c’est !


D’ailleurs, l’adjectif a des déclinaisons : si jamais vous aviez entendu parler de chantiers solidaires, collaboratifs, partagés ou encore de chantiers jeunes, c’est un peu la même chose. Ce sont des rassemblements organisés qui permettent à des plus ou moins expérimentés de se rencontrer et de construire ensemble.
Les chantiers participatifs ne datent pas d’hier : en effet, même si le terme nous semble récent, il désigne le fait de s’entraider de manière structurée, pour édifier un projet. Une pratique, vous vous en doutiez qui a toujours existé dans le monde depuis la nuit des temps ! En autre, dans les sociétés algériennes et maghrébines où un principe ancestrale est nommé Twiza ou Twizi. Le mot provient du berbère, wiz ouIwaz signifiant « aider ». L’expression « Faire la Twiza » s’applique quand des personnes de la même communauté s’épaulent ou se secondent pour solutionner des problèmes. La Twiza est présenté comme « une corvée volontaire ». Il en existe deux types : celle d’intérêt collectif et celle d’intérêt individuel.2


En France, c’est dans les années d’après-guerre, à partir de 1920, que s’articulent ce genre de collectifs d’entraide. Un mouvement-phare est appelé Castors3 . Ce n’est pas une association mais plusieurs, plus ou moins indépendantes qui sont réuni sous la Confédération Nationale d’auto-construction Castor. Dans les années 1950, apparait avec un système similaire, les Compagnons Bâtisseurs4. Plus récemment, les chantiers participatifs se sont développés et modernisés grâce à de nouveaux réseaux, comme Botmobil5(en 2006) et Twiza6 (en 2014). Ils s’investissent dans le domaine de la construction alternatif ou écologique.

Chantier participatif : lequel ?

En devenant, volontaire ou bénévole pour un chantier participatif vous allez venir en aide à des particuliers ambitieux et désireux de concevoir leur idylle. La plupart du temps ce sont des projets dans un cadre privé et sans but lucratif, avec des missions autour de l’habitat, neuf ou en rénovation. Cela pourrait-être pour une famille, un couple, une bande d’amis, jeune ou moins jeune, il n’y a pas de profil type, comme il n’y a pas de chantier type ! Il peut concerner les gros oeuvres, le second oeuvre, les finitions et même les aménagements, intérieurs ou extérieurs. Il est possible que vous travailler dans un grand corps de ferme, comme dans une tiny house. C’est à vous de choisir, là où vous avez envie de vous investir et pour combien de temps ! N’hésitez pas aussi à aller jeté un oeil sur les sites qui proposent des
chantiers à l’international, comme Volunteer World7 ou Concordia8 .

Matériaux naturels et techniques de construction, que vous propose-t-on ?

C’est sûr, vous pouvez sélectionner votre chantier en fonction des personnes avec lesquelles vous voulez vous entourer, selon votre histoire ou celle du lieu, par rapport à la saison et au temps, mais surtout, intéressez-vous aux techniques et aux matériaux que vous allez manipuler. Voici, une liste non-exhaustive de ce qu’il est possible de faire dans l’éco-construction partagé :

  • La paille semble être LE matériau très en vogue dans les chantiers participatifs écolos. ça ne m’étonnerait pas si vous vous retrouviez à faire une isolation avec. En rassemblant des bottes, vous pouvez constituer un mur qui servira d’isolation thermique (intérieur ou extérieur)
  • La terre, est une de nos matière préférée ! D’ailleurs elle est fréquemment mélangée à la paille, pour faire des murs (mais pas que). Et puis, elle peut servir à autre chose que le gros œuvre, celle-ci peut être un très bon enduit pour différents supports.
  • En parlant d’enduit, la chaux, est beaucoup utilisée pour faire les finitions. Après avoir élaboré votre mélange, vous allez pouvoir l’appliquer sur vos murs, plafond, sol, ou autre pour les embellir. Les possibilités de finition à l’enduit sont infinis : expérimenter ! Vos gestes et les techniques d’application changeront le rendu. Vous pouvez positionner ces enduits sur différentes bases comme des murs en paille, en paille-terre, en torchis, en brique, et encore.
  • Le bois, est un matériau incontournable, grâce à ces nombreuses qualités, il est possible de l’employer à travers divers étapes de la construction, comme pour la structure. Les murs en ossature-bois peuvent être fabriqués en douglas ou en mélèze. Un système poteau-poutre peut être réalisé avec du sapin ou de l’épicéa. C’est sûrement du pin qui sera le plus à même de soutenir une construction en bois empilé.
    Vous l’avez compris, il existe autant de types d’arbre (et donc de bois) que de possibilités. Le matériau est aussi en mesure de façonner un bardage, une menuiserie, une cloison et peut également être assemblé pour de l’aménagement (des panneaux de bois pour faire des meubles, par exemple).

Il est impossible de vous faire l’énumération de tous les matériaux recyclés, qui sont utilisés dans ces chantiers, mais je peux vous en citer quelques uns. La ouate de cellulose provient de journaux et sert à isoler. Les matières textiles aussi peuvent avoir une seconde vie et devenir une isolation, tout comme les matières polystyrènes et même les objets en verre.

Toutes ces techniques d’éco-construction révèlent une certaine originalité. En s’écartant des matériaux modernes, comme le béton ou les parpaings, cet idéal de construction laisse davantage de place à la créativité. Se limiter à des ressources locales est en fait, le meilleur moyen d’expérimenter l’aspect de nos bâtiments. Formes, couleurs, textures, lancez-vous et allez découvrir les principes de mise en oeuvre et les caractéristiques de ces matières naturels !

Comment ça s’organise ?

Un chantier participatif demande a ce qu’il est un (ou des) organisateur(s), un (ou des) intervenant(s) et éventuellement un accompagnateur professionnel, par exemple, un architecte. Les volontaires sont généralement désintéressés, c’est-à-dire qu’ils ne réclament aucune rémunération, ainsi ils ne sont soumis à aucune relation de subordination hiérarchique et aucune obligation de résultat. Ils sont accueillis par les porteurs du projet, sur un site dans un temps donné, planifié en amont.

Les conditions de réception doivent être claires et établies avant l’arrivée des bénévoles. Cela évite toute surprise ! Habituellement, le gîte et le couvert sont offert en échange d’un certain nombre d’heure de travail par jour : c’est du donnant-donnant ! Alors pour que l’expérience relationnelle soit des plus réussie, il faut en plus de s’investir sur le chantier et les occupations techniques, prendre part à la vie quotidienne du groupe. Cela peut impliquer d’avoir quelques tâches ménagères : de préparer le repas, de cuisiner, etc. Pour être en accord avec vous-même et avec vos hôtes, je vous recommande de vous poser ces deux questions : Qu’ai-je envie de partager ? À quelle rythme de vie et de travail puis-je m’engager ?


Un dernier point, et pas des moindres, avant de sauter le pas, penser à votre sécurité. Avant de vous mettre en route, n’oubliez pas de vérifier que vous être bien couvert par votre assurance. Sur place, ne négligez pas les équipements de protections, ils doivent être adaptés pour les activités que l’on vous a confié. Il faut utiliser correctement les outils et les ranger. N’hésitez jamais à poser des questions, c’est très important ! C’est lorsque la convivialité et la rigueur s’harmonisent que le lieu devient propice aux plus beaux projets et aussi, à des histoires et des rencontres extraordinaires.

Témoignage d’une participante à un chantier participatif : Juliette

Pour conclure ce reportage, je voulais vous rapporter les souvenirs de Juliette. Elle a vingt-six ans et était étudiante en architecture lorsqu’elle a participé a un chantier partagé très écolo ! C’est un témoignage que j’ai trouvé touchant car elle s’est vraiment impliquée dans sa mission auprès de Magali et Luc, un couple aussi adorable que déterminé dans leur projet de Earthship. Son retour, j’espère, pourra permettre à quelques-uns d’entre-vous de se projeter, et pourquoi pas, d’aller vivre une expérience formidable.


Elle a commencé par me dire : « Pour moi un chantier participatif c’est un échange, un endroit dans le temps, avec des gens qui veulent partager du savoir. C’est travailler ensemble, participer et faire participer pour un même objectif. Il y a un côté pédagogique qui est super ! C’est ça qui est intéressant dans ce genre de lieu : il y a des personnes qui savent et d’autres moins. Imagine, une personne, qui est spécialiste dans un domaine et qui rencontre sur ce chantier, une autre personne, douée pour autre chose. Cela fabrique une émulsion de connaissances et de discussions : c’est une école en plein air. Impossible de prédire qui l’on va rencontrer et ce que l’on va apprendre, il y a une part d’imprévu et de laisser-aller. »


Voilà ce que Juliette faisait là, un rendez-vous à l’aveuglette avec la culture de l’éco-construction qui ne s’apprend pas dans les livres. Je lui ai demandé : qu’est-ce qui t’a poussé à aller faire ce chantier ? « J’avais envie de le faire parce qu’en école d’architecture, j’avais pas du tout l’impression d’avoir assez d’informations et j’avais envie d’apprendre des trucs nouveaux, notamment sur l’édification avec des matériaux bio-sourcés. J’avais entendu parler d’un site internet, Twiza, qui est je pense, le réseau français le plus grand pour trouver des chantiers participatifs où l’on conçoit durablement. En tout cas, tu peux trouver des projets en ossature-bois, remplissage paille, des tiny-houses, et puis tu peux faire tous types de missions. Ça peut être un temps long ou court. Par exemple, tu peux partir juste un week-end, pour aider quelqu’un à faire un seul mur en enduit terre-chaux. »


Et comment as-tu choisis ton chantier ? « J’avais choisi ce chantier parce qu’il n’était pas loin de chez moi. Un couple, Magali et Luc, avait décidé de construire leur maison, une earthship. C’est un habitat autonome semi-enterré qui est fait avec des matériaux recyclés, comme des bouteilles en verre, du bois recyclé. Ici, on a travaillé avec des pneus. J’ai discuté avec eux et ils étaient super sympas alors j’ai décidé d’y aller et j’y suis resté deux semaines, c’était juste après le confinement. »


Raconte-nous, qu’est-ce que tu as fait sur place ? « D’abord, je dois te le dire, c’était la première fois que j’étais volontaire pour un projet partagé, et quand je suis arrivée, c’était le tout début du chantier, j’étais leur première bénévole ! Ensuite, il y a d’autres personnes qui sont venues deux-trois jours par-ci, par-là. Quand je suis arrivé c’était très étonnant parce qu’il n’y avait rien, juste le terrassement dans une pente, avec quelques enrochements et des grosses pierres pour soutenir à quelques endroits, et puis surtout des tas et tas de pneus ! »


Des pneus ?! Une maison avec des pneus ?  » Oui pour la construire, il a fallu commencer par les murs de fond : ce sont des double-murs en pneus avec en plus, un mètre de masse thermique. C’était très long et très intense à mettre en oeuvre, j’ai passé deux semaines à déplacer et tasser des pneus ! Heureusement, le couple avait engagé un architecte qui les dirigé, mais il n’était pas là avec tout le temps. Alors Magali et Luc avaient des explications qu’ils nous retransmettaient. Si j’ai pu apprendre autant, c’est parce qu’ils ont été de vrais pédagogues : ils ont pris leur temps pour me montrer tous les plans et m’ont tout expliqué. Je me suis aperçu que c’était compliqué de concevoir une earthship. C’est très loin d’un chantier traditionnel. Toute la maison est autonome, c’est à dire pensé en fonction de son environnement, avec des principes lié à la géothermie, au vent, à la récupération des eaux. C’est tout un système ! Je suis devenue une amie du
jeune couple et alors je suis retournée plusieurs fois sur le chantier, à trois reprises sur des phases différentes et à chaque fois, je voyais une évolution incroyable. Aujourd’hui la maison est finie et elle est dingue ! »


Côté pratique, où as-tu dormi ? « Le couple vivait dans un mobil-home durant pratiquement tout le chantier. C’était assez primaire, il y avait juste une petite cuisine et une chambre. La première fois que j’y suis allée j’avais dormi, dans ce mobil-home. La deuxième fois, il avait aménagé un conteneur avec des lits d’appoints pour les bénévoles mais moi j’avais pris ma tente. La troisième fois, je suis venue avec mon vanne. Je crois qu’il ne faut pas s’attendre à un hôtel 5 étoiles, c’est simple et suffisant. »

Qu’avais-tu pris dans ta valise ? « J’avais de tout, des grosses polaires comme des débardeurs, comme c’était le mois d’avril dans les Hautes-Alpes, je savais qu’il pouvait faire aussi froid que chaud, et j’ai tout utilisé ! Je n’avais pas de chaussures de chantier, alors j’ai pris des bonnes baskets (normalement, elles servent à faire de la randonnée) et puis ma trousse de toilette. »

Enfin, dis-nous qu’est-ce que tu retiens de ce moment ? « C’était super ! J’ai adoré Magali et Luc, ils étaient très excités par leur projet et tu sentais que ça venait du fond du coeur : alors même si parfois c’était dure de tasser des pneus toute la journée (j’avais mal au dos !) et bien, j’étais vraiment très contente de le faire pour eux. Et puis, j’ai TELLEMENT APPRIS. J’avais regardé des vidéos sur les techniques d’éco-construction, parce que je m’y intéressé déjà avant d’y aller mais le mettre en pratique c’est toujours différent. Je le referais volontiers, tu peux choisir ce que tu veux voir et le temps que tu veux rester. Et puis, il faut savoir se laisser surprendre : j’étais présente quand ils ont posé les panneaux solaires sur le toit de la maison, ce que j’ai trouvé à postériori vraiment intéressant. »


Tu nous donne un petit conseil ? « Je crois que la qualité qu’il faut avoir pour participer à un chantier c’est d’être ouvert. Magali et Luc se sont retrouvé dans des situations pas faciles, avec parfois des bénévoles compliqués, ce qui est remarquable c’est qu’ils en retiennent que du positif ! Ils sont trop heureux, c’est la chose la plus folle qu’ils auront fait dans leur vie. » Si vous aussi, comme Juliette, Magali et Luc, vous avez un petit grain de folie et vous avez envie de vous essayer à des techniques de constructions alternatives, pensez à suivre le réseau Ghara : une formation 9 peut être votre première marche vers l’architecture de demain.

Sources :

1 et 9 Ghara (s.d) Formation à la construction écologique pour professionnels et particuliers. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse https://www.ghara.fr
2 La Twiza : entraide d’hier et d’aujourd’hui – Parole sans frontière – Psychanalyse et exil. (s.d.). Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse http://www.parole-sans-frontiere.org/spip.php?article108
3 Les Castors. (s.d) Association Castors : réseau d’auto-constructeurs et d’auto-rénovateurs. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse https://les-castors.fr
4 Compagnons Bâtisseurs. (s.d) La solidarité, un chantier à partager. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse https://
www.compagnonsbatisseurs.eu

5 Botmobil. (s.d.). Botmobil – Construction en paille et terre en chantier participatif. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse http://www.botmobil.org
6 Twiza. (s.d.) Twiza réseau pour un habitat sain. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse https://fr.twiza.org

7 Volunteer World. (s.d). Voyage humanitaire & Bénévolat à l’étranger 2022. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse https://www.volunteerworld.com/fr
8 Concordia. (2022, 14 juin). Projets de volontariat en France et dans le monde – Association. Consulté le 10 novembre 2022, à l’adresse https://www.concordia.fr

LEA FALLET

Architecte D.E