Le tressage végétal en architecture

Louisa Frangeul Actualité Ghara

Si dès l’origine le tressage fut pratiqué en architecture, il n’en demeure pas moins que son usage n’est plus aussi courant de nos jours en occident. En effet, bien souvent associé à des installations éphémères, il ne profite pas de la notoriété d’autres méthodes constructives plus répandues (béton, acier, bois…). Pourtant face aux enjeux climatiques et à la nécessité de changer radicalement nos modes de constructions, il semble pertinent de redécouvrir ces savoir-faire ancestraux en faisant appel à des ressources naturelles et locales.

Quelles sont les origines du tressage végétal en architecture ? Dans quelle mesure est-il adapté à la conception de projets respectueux de l’environnement ?

Nous nous attacherons à explorer les origines du tressage dans le domaine de l’architecture, son histoire et ses techniques. Puis nous nous intéresserons à divers projets innovants, qui réinterprètent ces gestes afin de s’inscrire dans une démarche écologique.

Les origines du tressage en architecture

L’origine de l’architecture se confondrait avec celle du tressage végétal. Les architectures premières, découvertes en Océanie ou sur le continent africain illustrent en tout cas cette vision. Celle-ci fut défendue par Gottfried Semper (1803-1879) dans son ouvrage Du style et de l’architecture : Ecrits, 1834-1869, architecte allemand qui s’intéressa aux premières formes d’habiter ainsi qu’à l’ethnographie. En effet, ce dernier attribue l’origine du tressage au procédé employé pour enclore les premières habitations.

Il écrit : « Partant de l’entrelacement de rameaux, la transition au tressage de fibres végétales à des fins également liées à l’habitat, est facile et naturelle. De là, on en vint à l’invention du tissage, d’abord avec des brins d’herbe ou des fibres végétales, ensuite avec des fils tressés dorigine végétale ou animale.»

Ces barrières tressées permettaient de distinguer l’intériorité de la hutte et du jardin à l’extériorité de l’immensité du paysage. Selon cette théorie, le développement du tressage en architecture correspondrait à la période de sédentarisation des ethnies et au développement de l’agriculture. Par la suite, cette méthode constructive se diversifia permettant de construire les structures des huttes. Les techniques du tressage et du tissage se développèrent afin de concevoir tissus, paniers et toute sorte d’objets et outils.

La redécouverte de traditions soutenables

En occident, ces savoir-faire dans le domaine de l’architecture se sont peu à peu effacés au profit de matériaux de construction que nous connaissons aujourd’hui le béton, l’acier, le bois, et la pierre. Toutefois, le tressage perdure toujours dans le domaine de la vannerie qui concerne davantage les objets du quotidien (paniers, mobilier…). En Afrique et en Océanie, certaines communautés perpétuent toujours ces gestes se servant de fibres végétales trouvées localement pour concevoir leurs habitats.

Le bambou, le palmier, l’osier et le lin sont des essences privilégiées du fait de leurs propriétés physiques intéressantes :  légèreté, résistance à la traction, élongation, résilience,  isolation thermique, etc. Elles présentent aussi l’intérêt de croître de façon rapide, l’osier et le lin poussent annuellement tandis que le bambou et le palmier gagnent leur taille adulte en quelques années seulement.

La pratique du tressage repose sur les gestes et techniques manuelles, les fibres végétales se croisent et s’entrecroisent afin d’obtenir le textile souhaité. Ce travail se réalise à la main avec l’aide de seulement quelques outils (sécateur, batte, poinçon, serpette…). En fonction du motif choisit, la trame produit une géométrie plus ou moins complexe, une surface texturée, hybride et riche. Il est ainsi possible d’obtenir une infinité de tressages, donnant un caractère singulier à l’architecture dans laquelle il s’intègre. Léger, plus ou moins opaque, le tressage végétal est idéal pour concevoir des espaces éphémères et modulables répondant aux exigences climatiques actuelles. Saisissant le potentiel de cette méthode constructive, de nombreux architectes contemporains réinvestissent ces savoir-faire ancestraux.

Le tressage de l’osier : Chapelle funéraire, Kaestle Ocker, 2009

La réhabilitation d’une salle de sépulture conçue en 1954, réalisée par le cabinet d’architectes Kaestle Ocker, témoigne du potentiel architectural du tressage de l’osier. La tâche principale de l’aménagement du lieu consistait à offrir une ambiance spatiale appropriée, qui puisse symboliser le départ du défunt ainsi que servir de lieu de retraite. L’insertion de panneaux en osier à fleur de la construction en béton armé confère à la pièce une impression de recueillement calme et conviviale. Ce matériau sensible divulgue une ambiance chaleureuse réconfortante dans ce lieu funéraire. Les motifs du tressage offrent différentes possibilités d’interprétation qui s’abstiennent délibérément de toute fixation et signification. La gestion lumineuse et acoustique renforce, par ailleurs, cette expérience entre terre et ciel de tresses.

Le tressage du bambou : Gymnase de la Panyaden School, Chiangmai Life Architects/Markus Roselieb et Tosapon Sittiwong, 2017

La Panyaden School est une école engagée entièrement construite en bambou et en terre. La construction du gymnase par Chiangmai Life Architects fut inspirée de la fleur de lotus. Les architectes ont eu à cœur de s’accorder avec les principes boudhistes transmis par l’école. Le bambou a été choisit en tant que matériau traditionnel et local tout en ayant recours aux techniques d’ingénierie contemporaines. Cette salle de sport est dotée de fermes en bambou de 15 mètres de hauteur. Les arches, conçues également en fibres végétales, permettent de dégager un vaste espace propice aux activités sportives. Construites au préalable à même le sol, le bambou est tout d’abord préparé puis tressé avant d’être assemblé. Son usage présente l’avantage de réduire l’empreinte du bâtiment, la pousse du bambou retenant beaucoup plus de carbone que celui émis lors du traitement, du transport et de la construction. Aucun produit chimique n’est par ailleurs nécessaire puisqu’il peut être traité avec du sel de bore, un répulsif anti-insecte naturel et un conservateur. Utilisé dans des régions où il est présent localement, le bambou de par ses propriétés physiques permet de réaliser une grande diversité d’ouvrages tout en faisant appel à des techniques traditionnelles.

Le tressage de fibres de lin 2.0 : Le Pavillon livMatS, Achim Menges, 2021

Situé dans le jardin botanique de l’université de Fribourg, le pavillon livMatS offre une alternative intéressante et économe aux méthodes de construction conventionnelles et présente un pas important vers la durabilité en architecture. Ce pavillon fut l’aboutissement de dix ans de recherches d’une équipe de scientifiques de l’université de Stuttgart. En effet, il s’agit du tout premier bâtiment dont la structure porteuse est entièrement constituée de fibres de lin enroulées par des robots, un matériau entièrement biodégradable, et de surcroît disponible en Europe centrale. Le tressage de la surface en lin évoque à la fois des exemples vernaculaires de treillis ainsi que des systèmes de connexions biologiques poétiques. Les propriétés mécaniques du lin sont comparables à celles de la fibre de verre ; elles offrent une rigidité similaire de par leur poids, mais avec une énergie grise beaucoup plus faible. L’usage de la fibre de lin présente donc l’intérêt de pouvoir concevoir une structure légère et efficace tout en ayant recours à une ressource naturelle présente sous nos latitudes.

De multiples usages

Réintégrer le tressage en architecture afin de solliciter des savoir-faire traditionnels et matériaux locaux semble donc être une voie intéressante vers une architecture plus durable. L’assistance des logiciels de conceptions ouvre par ailleurs la voie à la création de structures de plus en plus élaborées et résistantes aux aléas climatiques. De multiples essences aux propriétés variées permettent d’utiliser le tressage en tant que structure, que parement ou comme mobilier. Il en existe sur tous les continents garantissant l’accès à des ressources locales. Les fibres telles que la paille ou le chanvre, cultivées en Europe, peuvent par ailleurs être utilisées en tant qu’isolant et sont dotées de propriétés thermiques très performantes, comparables aux isolants de synthèse. Les filières du secteur sont actuellement en plein développement et de nombreux projets sont en cours !

Sources

Gottfried Semper, Du style et de l‘architecture – Ecrits, 1834-1869, traduit de l’allemand par Jacques Soulillou et Nathalie Neumann, Marseille, éditions Parenthèses, 2007, p.330, éd. originale 1860

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gottfried_Semper

www.fibra-award.org

https://oak.go.kr/repository/journal/18415/NRF014_2011_vn23_211.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vannerie

https://www.icd.uni-stuttgart.de/projects/livMatS-Pavilion/

L’origine de l’architecture se confondrait avec celle du tressage végétal. Les architectures premières, découvertes en Océanie ou sur le continent africain illustrent en tout cas cette vision. Celle-ci fut défendue par Gottfried Semper (1803-1879) dans son ouvrage Du style et de l'architecture : Ecrits, 1834-1869, architecte allemand qui s’intéressa aux premières formes d’habiter ainsi qu’à l’ethnographie. En effet, ce dernier attribue l’origine du tressage au procédé employé pour enclore les premières habitations.

RAPHAËLLE DE PRIESTER

Etudiante en architecture